Lors de la rédaction de cet article, en 2008, j’avais conservé un fond d’optimisme. Mais, force est de constater, onze ans plus tard, non seulement que la situation ne s’est pas améliorée, mais qu’elle dépasse les pires cauchemars que j’aurais pu avoir. Tandis que l’industrie de la fourrure se porte à merveille, les rhinocéros et les éléphants sont au bord de l’extinction en raison de l’engouement des Chinois pour l’ivoire et de leur superstition en matière médicale.
L’Asie et, au sein de ce continent, la Chine, se signalent malheureusement encore trop souvent par les actes de barbarie et de cruauté commis envers les animaux – que ces derniers soient sauvages ou domestiques, destinés à l’alimentation, à la pharmacopée ou seulement prisés pour leur fourrure. L’objet de cet article n’est pas de stigmatiser la Chine, mais d’informer et de faire pression sur son gouvernement dans le contexte des Jeux olympiques de Pékin. L’arrogance n’est pas bonne conseillère et les insultes se révèlent inefficaces, d’autant plus que des Chinois s’investissent de plus en plus dans la protection animale. C’est par le dialogue, assorti de pressions respectueuses mais fermes, que nous pouvons espérer faire évoluer les choses. Force aussi est de constater, une fois encore, qu’il existe un lien évident entre la violence exercée contre l’homme et celle dont l’animal est la victime. Sans doute la situation est-elle en train d’évoluer, très lentement, grâce à la multiplication des échanges, au progrès de l’information et à la mise en place de partenariats avec les associations. Mais, le chemin à parcourir est encore long et la souffrance, humaine comme animale, requiert des interventions urgentes.
Tout le monde sait, aujourd’hui de quelle manière infâme, les Chinois martyrisent les ours à collier dont-ils prélèvent la bile, en leur occasionnant mille souffrances. Selon la WSPA, au moins 12.000 ours sont maintenus en captivités dans les fermes chinoises, vietnamennes et coréennes. Les animaux sont enfermés dans une cage de la taille d’une cabine téléphonique, renversée sur le côté afin de pouvoir extraire leur bile. Les associations tentent d’informer les populations et les Etats concernés sur les alternatives à la pharmacopée traditionnelle dérivée de produits animaux, notamment par l’utilisation de substance de synthèse ou à base d’herbes. Pourtant, malgré l’interdiction du commerce de la bile d’ours par la CITES et l’engagement pris par la Chine, le Vietnam et la Corée, l’exploitation se poursuit sur leur territoire. Un représentant américain, Raoul M. Grijalva doit présenter devant le Congrès un Bear Protection Act 2008 (H.R. 5534) afin d’interdire le commerce de produits dérivés de viscères d’ours, incluant la bile. Une enquête de la WSPA a en effet prouvé la présence de produits illicites dans plusieurs boutiques de médecine traditionnelle chinoise, notamment à Boston, Chicago et New-York.
Cruauté et extinction des espèces
La cruauté envers l’animal se conjugue parfois avec l’extinction des espèces. C’est notamment le cas du requin et du tigre. Ce dernier est en voie de disparition en raison de la déforestation de son habitat, du braconnage visant à alimenter la pharmacopée chinoise et du commerce de la peau. Presque tout, dans l’animal – sang, abats, graisse, yeux – est censé receler des vertus curatives. La plupart des cinq sous-espèces de tigres sont en voie d’extinction. Le tigre blanc, variété du tigre du Bengale, n’existe plus à l’état sauvage ; le Tigre de Bali (Panthera tigris balica) a disparu, dès les année 1940, et celui de Java (Panthera tigris sondaica ) dans les années soixante-dix, exterminé par les chasseurs alors que son habitat s’était déjà considérablement réduit. A Java (Panthera tigris sumatrae), il ne restait plus en 2007, d’après le WWF, que 400 tigres en liberté. Dans l’île de Sumatra, malgré les lois de protection indonésiennes et la vigilance des associations comme le WWF et Traffic, le braconnage se poursuit et les petits marchés locaux continuent de vendre des pièces anatomiques destinées à l’orfèvrerie, à la pharmacie, ou aux souvenirs pour touristes : dents, griffes, os... (3). Le tigre de la Caspienne (Panthera tigris virgata), s’est éteint, en raison de la déforestation et celui de Chine méridionale (Panthera tigris amoyensis), principalement victime de la pharmacopée chinoise, ne pourra plus subsister à l’état sauvage. Dans le Sud de la Chine, au Vietnam, au Cambodge et en Thaïlande, il ne reste plus que quelques centaines de représentants du tigre d’Indochine (Panthera tigris corbetti).
Quant à la survie du tigre de Sibérie (Panthera tigris altaica), elle est très précaire puisqu’il ne reste que 500 individus vivants encore dans la nature. Le tigre du Bengale, ou tigre royal, (Panthera tigris tigris), est lui aussi menacé à cause de la surpopulation et de la déforestation en Inde. Sous l’impulsion des Gandhi, l’Inde avait entamé un effort significatif de protection de l’espèce, à partir de 1973, mais le gouvernement indien ne parvient pas à enrayer le déclin. En juin dernier, la Banque mondiale a lancé un projet visant à enrayer la disparition du tigre sauvage. (Edicom).
Le Canada, l’Espagne, l’Egypte, la France et les autres…
Si la Chine est un véritable fléau pour le monde animal, la cruauté reste le triste apanage de l’homme, quelle que soit sa nationalité. En Amérique, le Canada est depuis trop longtemps tristement célèbre pour ses vastes campagnes de chasse aux phoques, une pratique innommable et inutile, qui occasionne de grandes souffrances, malgré les dénégations de ses promoteurs. “Les chasseurs canadiens utilisent des gourdins, des hakapiks (instruments avec une pointe métallique) ou des fusils. Les témoins ont pu voir sur place des phoques lutter contre la mort pendant plus d’une heure, après avoir eu le crâne fracassé. La vision de nombreuses dépouilles sans peau et le son particulièrement horrible produit par les gourdins écrasant le crâne des bébés phoques ont marqué tout particulièrement les observateurs” (5) . Une vidéo, parmi d’autres, publiée sur dailymotion, permet de mesurer la réalité insoutenable de cette pratique. La chasse aux phoques constitue le plus grand massacre de mammifères marins sur la planète. Les phoques sont chassés pour leur fourrure, leur huile, utilisée notamment comme supplément d’oméga 3, et leur pénis, censé avoir des vertus aphrodisiaques, est revendu sur le marché asiatique. Plus d’un million de phoques ont été abattus sur la banquise ces quatre dernières années. Pour la seule année 2008, le gouvernement canadien a fixé le quota d’abattage à 275 000 phoques. Rien n’est pire que la surdité du Canada face aux cris d’indignations qui s’élèvent depuis près de quarante ans, notamment à l’initiative de Brigitte Bardot. Le massacre est aussi pratiqué en Namibie où le quota d’abattage a été fixée cette année à 85.000 otaries. Le 3 juillet dernier, le commissaire européen Stavros Dimas, de passage en France, a annoncé qu’il allait présenter, le 23 juillet, jour de la sainte Brigitte, une proposition visant à interdire l’importation de produits dérivés de la chasse aux phoques au sein de la Communauté européenne.Cruauté indicible aussi des Espagnols qui n’ont pas de procédés assez barbares pour faire souffrir les galgos, ces lévriers qui ont eu le malheur de perdre une course ou qui, tout simplement, paraissent trop usés pour servir. Alors, on les brûle vif, on leur mutile la truffe, on les pend jusqu’à ce que mort s’ensuive. La cruauté envers les animaux correspond malheureusement en Espagne à une tradition ancienne et toujours vivace. Il suffit d’énumérer les fêtes et célébrations diverses qui donnent lieu à des maltraitances ou à de purs massacres (6).
* Pour la protection des requins et des écosystèmes marins : vous pouvez signer la pétition sur le site lapetition.be ; agir et vous informer sur le site The Shark Alliance, (voir notamment les récents projets de protection émanant de la Communauté européenne), rejoindre des associations comme le Seashepherd de Paul Watson ou l’IFAW (International Fund for Animal Welfare), association plus généraliste en matière de protection animale.
(1) Une enquête menée récemment par One Voice, donne un aperçu des mauvais traitements dont sont victimes les chiens destinés à l’alimentation. Les membres de l’association ont visité, entre autres, l’usine de M. Wang, dans le Jinan, au sud-est de la Chine : “Dans les cages, les chiens s’agitaient de façon pitoyable : ils avaient de bonnes raisons d’être terrorisés. À l’aide d’une longue pince, un ouvrier a attrapé le cou d’un chien et l’a sorti de sa cage tandis que l’animal se débattait, puis il l’a frappé à la tête et au museau jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il l’a ensuite traîné vers la zone d’abattage, il a mis le pied sur la tête du chien avant d’introduire un doigt dans son cou et de le saigner. Pendant que son sang s’écoulait sur le béton, l’animal était secoué de spasmes. Cependant, il était toujours vivant. Le boucher l’a laissé agoniser pendant sept minutes dans des conditions effroyables, le temps de tuer plusieurs autres chiens. Enfin, il l’a frappé à mort et l’a mis dans la marmite en ébullition afin d’en détendre la peau. « La peau ne se détache pas si le chien est encore vivant quand on l’ébouillante », nous a-t-on expliqué. La désinvolture dans laquelle une telle brutalité s’exerçait était presque aussi effrayante que les souffrances qu’elle provoquait. Nous avons vu des chiens amenés pour être abattus, comprimés les uns contre les autres dans des cages transportées sur des motos et sur de petits tracteurs. Les chiens étaient brutalement tirés des cages par le cou à l’aide de crochets en fer, ce qui les faisait hurler et se tordre de douleur. À un moment, un petit terrier a réussi à s’échapper au moment où on le sortait de sa cage. Un des ouvriers l’a brutalement attrapé et tiré à l’aide des crochets en fer, et les cinq ou six ouvriers qui assistaient à la scène ont rigolé en l’entendant hurler de douleur et de terreur. Certains chiens – divers terriers mais aussi des croisements de chiens danois – portaient des colliers, ce qui laisse penser qu’ils avaient été des animaux de compagnie. Compte tenu de sa dimension et de la cruauté de ses méthodes, cette usine est ce que nous avons visité de plus choquant en Chine. Notre chauffeur, un Chinois d’une cinquantaine d’années, en avait les larmes aux yeux. De tous les Chinois que nous avons rencontrés, il n’était pas le seul à être choqué et dégoûté par la façon dont les animaux sont traités dans son pays, ce qui nous laisse espérer que le jour où ce que nous avons vu sera montré à une part suffisamment importante de la population, une cruauté aussi épouvantable ne sera plus permise”.