Archives par étiquette : condition animale

Alex Hershaft, co-fondateur du Farm Animal Rights Movement sur le lien entre Shoah et condition animale

© Jeff Fleiss – Wikimedia

“J’ai passé mon enfance dans le ghetto de Varsovie, où la quasi totalité de ma famille a péri, massacrée par les Nazis, en même temps que 350 000 autres Juifs polonais.
Les gens me demandent parfois si cette expérience génocidaire a quelque chose à voir avec mon travail pour les Animaux. Je réponds que oui. Mon histoire, mon expérience du massacre des Juifs ont eu tout à voir avec mon travail pour les Animaux.
“Plus jamais ça”. C’était, pour nous, un acte de foi. Un acte de foi de croire que notre sacrifice ne serait pas vain, que le monde serait tellement choqué par ce que l’on nous avait fait qu’il ne permettrait jamais que de telles atrocités soient à nouveau commises, se reproduisent un jour.
En 1975, lorsque j’ai émigré aux Etats-Unis, j’ai visité un abattoir. J’y ai vu des Animaux terrorisés, maltraités, soumis à d’atroces, d’horribles conditions de détention, tandis qu’ils attendaient leur mort. Tout comme les membres de ma famille assassinée dans le camp d’extermination de Treblinka. J’ai vu la même routine, la même routine de tuerie, efficace et impassible, la même qu’à Treblinka. J’ai vu des tas de coeurs, de sabots, d’entrailles, de “déchets” animaux, toutes les parties du corps “inexploitables”, soigneusement empilées, comme les tas de cheveux, de lunettes, de chaussures des Juifs, dans les camps.
Je me souviens de cette citation du célèbre écrivain yiddish Isaac B. Singer : “Pour les Animaux, tous les humains sont des Nazis. Et leur vie est un éternel Treblinka.” Et j’ai compris. Je me suis dit : “Plus jamais ça”. “Plus jamais ça” signifie ne plus JAMAIS commettre de telles violences, de telles infamies, massives, à l’égard d’autres êtres vivants. “Plus jamais ça” signifie ne plus JAMAIS élever les Animaux pour se nourrir ou pour n’importe quelle autre forme d’exploitation. C’est à ce moment-là, précis, que je suis devenu activiste pour le droit des Animaux.”

Alex Hershaft, co-fondateur et président de l'”ASBL Farm Animal Rights Movement” (USA)

Je remercie Nouchka Galili de m’avoir fait découvrir ce texte

Les renards : un massacre légalisé ?

Le renard est encore considéré comme un animal nuisible en France alors que celui-ci est primordial à l’écosystème et que sa chasse s’avère néfaste pour l’environnement.

Le collectif Bernard Le Renard lutte pour retirer le renard des listes des animaux nuisibles (injustement répertorié) en France afin de le protéger des pratiques barbares et de masse qui sont employées pour sa destruction. Sa page Facebook et son compte twitter.

Appel de la chanteuse Kreezy R en faveur de la protection animale

Chevelu, le chat torturé pendant des heures à Draguignan

Je relais et soutiens sans réserve l’appel lancé par la chanteuse Kreezy R, suite à la mort de Chevelu, adorable petit chat de Draguignan torturé pendant quatre heures avec des tessons de bouteille et dont les yeux ont été exorbités alors qu’il était encore sans doute vivant par une bande de jeune de la ville. Ce qui m’a fait le plus mal dans ce drame, mis à part le calvaire de cet être sensible, c’est que Chevelu était un chat gentil et confiant qui est peut-être venu de lui-même vers ses bourreaux. Alors qu’un nouveau parti dont je suis adhérent, le Parti animaliste, fait son apparition dans le paysage politique, alors que l’association L214, à laquelle j’appartiens, vient de diffuser des images insoutenable sur la manière dont les cochons sont gazés comme l’étaient les êtres humains à Auschwitz, faisons du martyre de Chevelu une cause nationale.

Signez la pétition sur Change.org pour que justice soit rendue

La page Facebook du Rassemblement pour Chevelu le chat torturé à mort.

La page de Var-Matin sur le sujet.

Interpellation de François Fillon sur la condition animale et l’énergie nucléaire

carousel_3_chasseurMonsieur Fillon,

Vous êtes depuis toujours le défenseur des chasseurs et de la corrida. Sans toutefois vous faire un procès d’intention, les défenseurs de la cause animale dont je suis, peuvent s’inquiéter légitimement des mesures que vous pourriez prendre à cet égard si jamais vous étiez élu président de la République. Pourriez-vous clarifier votre position sur le sujet ? Êtes-vous favorable à un “statu quo” sur des questions très sensibles comme les conditions d’élevage et d’abattage, l’expérimentation animale, la révision de la liste des “nuisibles”, l’octroi de journées sans chasse ? Seriez-vous prêt au contraire à envisager des améliorations et des assouplissements de la réglementation actuelle malgré les lobbyistes pro-chasse très actifs qui vous soutiennent ou qui vous soutiendront très probablement après le 2ème tour des primaires (Luc Chatel, Gérard Larcher, Xavier Bertrand, etc.). Un nombre croissant de nos concitoyens sont sensibles à la cause animale qui devient une donnée importante de leur choix politique et citoyen. Sans évoquer ici la question de la souffrance, je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas d’un sujet anecdotique mais d’une question éthique essentielle sur laquelle nous aimerions connaître votre position actuelle.

J’ajoute un dernier point, cette fois sur votre défense traditionnelle de l’énergie nucléaire. Les incidents récents survenus dans plusieurs centrales, la faillite d’Areva et le dernier rapport de l’ASN ne devraient-ils pas ébranler la position dogmatique des pro-nucléaires ? En d’autres termes, l’image d’un nucléaire propre, compétitif et garant de l’indépendance nationale, n’est-elle pas dépassée ou plus exactement mensongère ?

Commentaire publié 25 novembre 2016 sur la page Facebook de François Fillon.

Voir la profession de foi pro-chasse de François Fillon

 

Lettre à Richard Ferrand, député du Finistère, sur la préservation de l’environnement et la protection animale

 

Monsieur le député,
De concert avec plusieurs associations locales et nationales, j’effectue une démarche visant à connaître la position des élus sur des questions qui touchent au respect de l’environnement et à la protection animale dans notre département.
En matière d’environnement, nous aimerions savoir quels sont les grands axes de la politique que vous souhaitez mener au niveau local, notamment en ce qui concerne le respect de la Loi Littoral, les transports collectifs, la protection de la faune et de la flore, l’aide à l’agriculture biologique de proximité. Dans le cadre du projet de loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt présenté par M. Stéphane Le Foll, les représentants d’EELV ont exprimé la volonté d’en renforcer les ambitions sociales et écologiques (manque d’objectifs chiffrés et d’outils opérationnels)(1). Comment traduiriez-vous concrètement ces exigences au niveau départemental ?
D’une manière générale, comment vous situez-vous au regard de « L’appel pour un pacte d’avenir écologique et solidaire pour la Bretagne et les Bretons», lancé par un collectif d’associations, dont Bretagne Vivante, et qui nous semble constituer la meilleure voie à suivre pour le département et la région ?[2]En effet, il nous paraît urgent de remettre en question le modèle agricole exclusivement productiviste sur lequel nous vivons encore dans une très large mesure, nécessité à laquelle le projet de loi cité plus haut ne répond que très partiellement.
En ce qui concerne l’assainissement des eaux,  même lorsque les élevages respectent les normes en vigueur, le problème de l’évacuation des eaux polluées demeure un problème très préoccupant. Nous pensons notamment aux élevages industriels dont les déchets se déversent directement en mer. Avec l’Association Eau et rivières de Bretagne, nous regrettons en outre que  l’objectif de réduction du taux d’azote retenu dans le cadre du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux de l’Aulne ne soit que de 13%, alors qu’il avait été fixé à 30% pour l’Elorn[3]. De même, nous estimons qu’il est impossible d’en rester au statu quo à propos du dossier de l’Aulne canalisé et que, bien au contraire, il est nécessaire d’expérimenter l’ouverture d’écluses pour la gestion des poissons migrateurs. Enfin, à propos des inondations, nous attirons l’attention avec l’association Eau et rivières de Bretagne sur les fausses bonnes solutions que peuvent constituer les ralentisseurs de crues[4].
Enfin, dernier point, depuis les dernières grandes tempêtes de cet hiver, nos plages, pourtant immenses, sont transformées en décharges publiques et littéralement recouvertes de matières plastiques, polystyrène, articles de la grande distribution made in China, filets de pêche, bois, etc. Les associations et les particuliers sont débordés et ne peuvent prendre en charge seuls un tel tonnage de déchets.
En matière de respect de l’animal[5], tout en étant conscient de l’importance du secteur de l’élevage industriel en Bretagne, nous pensons qu’il est souhaitable de privilégier au maximum la qualité sur la quantité en soutenant l’agriculture responsable et locale. Le cahier des charges des cantines pourrait ainsi comporter au moins 20% de produits issus de l’agriculture de proximité biologique, d’œufs pondus par des volailles élevées en plein air et de porcs élevés en plein air ou, du moins, sur paille.
Actuellement, 90 % des porcs sont issus de l’élevage industriel contre 3% seulement pour l’élevage en plein air et de 5 à 7% pour l’élevage sur paille[6]. Nous sommes d’autant plus inquiets quant aux conditions d’élevage que le seuil pour la procédure d’autorisation et d’encadrement technique renforcés (dite « IED ») a été récemment relevé à 2000 emplacements de porcs charcutiers et à plus de 750 emplacements de truies conformément à une directive européenne. Nous estimons d’ailleurs qu’il est vain de se lancer dans une surenchère quantitative visant à soutenir la concurrence des usines à viande asiatiques ou brésiliennes.
Les élus peuvent agir pour améliorer les conditions d’élevage concentrationnaire par le biais du soutien à l’élevage alternatif sur paille dont les avantages sont connus comme l’indiquent les campagnes menées par la Protection mondiale des animaux de ferme (P.M.A.F. – Voir détails en pièce jointe). Encore une fois, plutôt que de prendre constamment en exemple la voie productiviste suivie par l’Allemagne et fondée en grande partie sur des produits médiocres et un manque de considérations sociales pour la main d’œuvre employée, les élevages bretons pourraient miser davantage sur la qualité en optant de manière croissante pour l’obtention de labels bio ou rouge fermier.
Des membres de la P.M.A.F. – parmi lesquels des ingénieurs agronomes – seraient éventuellement disposés à effectuer des visites d’élevages responsables du Finistère si vous en exprimiez le désir (sous réserve des disponibilités de chacun).
Enfin, je voulais attirer votre attention sur un appel lancé par l’Alliance Anticorrida au niveau national dans le cadre de la proposition de loi visant à interdire la corrida sur l’ensemble du territoire. Cette question ne concerne pas directement la vie de notre département, mais nous avons pensé que vous y seriez sensible et que vous accepteriez de nous communiquer votre position. Déjà quatre-vingts de vos collègues se sont engagés à soutenir cette proposition de loi. Votre engagement en faveur de l’abolition serait un message fort envoyé à toutes les personnes soucieuses du respect de l’animal non seulement dans notre département, mais aussi dans l’ensemble du pays.
En espérant obtenir votre réponse sur ces différentes questions,
Veuillez croire, Monsieur le député, en ma considération distinguée :
PJ : L’élevage sur paille par la P.M.A.F.
Laurent Dingli, président de l’association de sauvegarde et de protection du site de Kervéron-Menhir, à Richard Ferrand, député de la 6ème circonscription du Finistère, sur la préservation de l’environnement et la protection animale


[1]. Voir communiqué de Sandrine ROUSSEAU, Julien BAYOU, Porte-parole de EELV sur le site d’EELV.fr
[2]. Voir http://pacteecosolidairebretagne.wordpress.com/
[3]. Taux tout d’abord fixé à 15%, voir Etablissementpublic d’aménagement et de gestion du bassin versant de l’Aulne,  SAGE de l’Aulne, bassin 2013, p. 90 : . Les autres chiffres et données sont communiqués par Arnaud Clugery d’Eau et rivières de Bretagne.
[5]. Respect de l’environnement et de l’animal sont évidemment indissociables et ne sont ici séparés que pour la clarté du document.
[6]. Chiffres et données communiqués par Cécile Vuillermet, chargée d’études bien-être animal à la Protection mondiale des animaux de ferme (P.M.A.F.).

La Chine, fléau du règne animal

Lors de la rédaction de cet article, en 2008, j’avais conservé un fond d’optimisme. Mais, force est de constater, onze ans plus tard, non seulement que la situation ne s’est pas améliorée, mais qu’elle dépasse les pires cauchemars que j’aurais pu avoir. Tandis que l’industrie de la fourrure se porte à merveille, les rhinocéros et les éléphants sont au bord de l’extinction en raison de l’engouement des Chinois pour l’ivoire et de leur superstition en matière médicale.
L’Asie et, au sein de ce continent, la Chine, se signalent malheureusement encore trop souvent par les actes de barbarie et de cruauté commis envers les animaux – que ces derniers soient sauvages ou domestiques, destinés à l’alimentation, à la pharmacopée ou seulement prisés pour leur fourrure. L’objet de cet article n’est pas de stigmatiser la Chine, mais d’informer et de faire pression sur son gouvernement dans le contexte des Jeux olympiques de Pékin. L’arrogance n’est pas bonne conseillère et les insultes se révèlent inefficaces, d’autant plus que des Chinois s’investissent de plus en plus dans la protection animale. C’est par le dialogue, assorti de pressions respectueuses mais fermes, que nous pouvons espérer faire évoluer les choses. Force aussi est de constater, une fois encore, qu’il existe un lien évident entre la violence exercée contre l’homme et celle dont l’animal est la victime. Sans doute la situation est-elle en train d’évoluer, très lentement, grâce à la multiplication des échanges, au progrès de l’information et à la mise en place de partenariats avec les associations. Mais, le chemin à parcourir est encore long et la souffrance, humaine comme animale, requiert des interventions urgentes.

 En Chine, ainsi que dans plusieurs autres pays d’Asie, les chiens et les chats, que l’on consomme, sont traités avec une cruauté inouïe : entassés dans des cages, soumis à des mauvais traitements et à des conditions d’hygiène effroyables, ils attendent la mort au milieu de la terreur et du sang de leurs congénères que l’on dépecent devant eux. On sort les animaux de la cage à l’aide de grandes pinces de fer. Et c’est une bête hurlante que l’on bat à mort devant les autres (1) . Pour la fourrure, les chiens et les chats sont pendus à une corde et on leur arrache la peau sans se soucier de savoir s’ils vivent encore.
Tout, en Chine, est prétexte, pour manifester cette ahurissante cruauté: l’alimentation, la pharmacopée, la fourrure, mais aussi la lutte contre la rage – la plus inepte qui soit dans un Etat prétendu moderne. Ainsi, en 2006 et 2007, pour quelques cas seulement de rage avérés, des dizaines de milliers de chiens et de chats ont été massacrés, sans distinction et avec une violence insoutenable : on abattait les animaux à coup de barre de fer dans la rue, les bien-portants comme les autres, allant même les chercher chez leurs propriétaires. Et, une fois arrachés à leurs maîtres, dont certains étaient en larmes, on les exécutait devant eux. Certains propriétaires, en revanche, se chargeaient eux-mêmes de la basse besogne, afin de toucher la petite prime réservée par les autorités locales à l’abattage. En août 2006, 50 000 chiens furent ainsi massacrés dans le seul comté de Mouding. “Les chiens du comté ont tous été tués, parfois battus à mort dans les rues, sans savoir s’ils étaient vaccinés. « Je promenais mon chien et des policiers l’ont frappé à mort sans explication. » témoignait une femme, encore sous le choc” (2)

Tout le monde sait, aujourd’hui de quelle manière infâme, les Chinois martyrisent les ours à collier dont-ils prélèvent la bile, en leur occasionnant mille souffrances. Selon la WSPA, au moins 12.000 ours sont maintenus en captivités dans les fermes chinoises, vietnamennes et coréennes. Les animaux sont enfermés dans une cage de la taille d’une cabine téléphonique, renversée sur le côté afin de pouvoir extraire leur bile. Les associations tentent d’informer les populations et les Etats concernés sur les alternatives à la pharmacopée traditionnelle dérivée de produits animaux, notamment par l’utilisation de substance de synthèse ou à base d’herbes. Pourtant, malgré l’interdiction du commerce de la bile d’ours par la CITES et l’engagement pris par la Chine, le Vietnam et la Corée, l’exploitation se poursuit sur leur territoire. Un représentant américain, Raoul M. Grijalva doit présenter devant le Congrès un Bear Protection Act 2008 (H.R. 5534) afin d’interdire le commerce de produits dérivés de viscères d’ours, incluant la bile. Une enquête de la WSPA a en effet prouvé la présence de produits illicites dans plusieurs boutiques de médecine traditionnelle chinoise, notamment à Boston, Chicago et New-York.

Même chose pour les requins, décimés, mutilés de leur aileron et rejetés ainsi, encore vivant, dans l’océan. Les associations luttent pied à pied pour modifier les habitudes alimentaires et les méthodes d’abattage. A titre d’exemple, fin juin 2008, sous la pression du Sea Shepherd Conservation Society et de Bite-Back, le groupe de restaurants Hakkasan, l’un des 20 premiers restaurants au monde, a décidé de retirer la soupe d’ailerons de requins de ses menus. Les actions de Bite-Back et Sea Shepherd visent toute entreprise qui fait des bénéfices sur la vente de mâchoires, cartilage, ailerons, dents, et huile de foie, et les encouragent à cesser leurs activités.
Il faut encore ajouter à cette longue liste de maltraitance, les conséquences de l’élevage intensif. Comme le rappelle l’association Act Asia, l’exploitation industrielle de l’animal est en constante progression en Chine. Or, dans le même temps, il existe très peu de loi de protection animale. Sur place, les militants sont le plus souvent isolés et travaillent dans des conditions très dures.
Que dire encore des spectacles pendant lesquels des animaux, “achetés” par des touristes sont jetés à un fauve, pour être dévorés et constituer ainsi un plaisant divertissement ? Une belle école de sadisme et d’indifférence à la souffrance pour les enfants de ces touristes chinois en mal d’émotions fortes.
Ci-dessus : Touriste chinoise giflant un tigre enchaîné et drogué – Le comble de la bêtise et de la lâcheté

Cruauté et extinction des espèces

La cruauté envers l’animal se conjugue parfois avec l’extinction des espèces. C’est notamment le cas du requin et du tigre. Ce dernier est en voie de disparition en raison de la déforestation de son habitat, du braconnage visant à alimenter la pharmacopée chinoise et du commerce de la peau. Presque tout, dans l’animal – sang, abats, graisse, yeux – est censé receler des vertus curatives. La plupart des cinq sous-espèces de tigres sont en voie d’extinction. Le tigre blanc, variété du tigre du Bengale, n’existe plus à l’état sauvage ; le Tigre de Bali (Panthera tigris balica) a disparu, dès les année 1940, et celui de Java (Panthera tigris sondaica ) dans les années soixante-dix, exterminé par les chasseurs alors que son habitat s’était déjà considérablement réduit. A Java (Panthera tigris sumatrae), il ne restait plus en 2007, d’après le WWF, que 400 tigres en liberté. Dans l’île de Sumatra, malgré les lois de protection indonésiennes et la vigilance des associations comme le WWF et Traffic, le braconnage se poursuit et les petits marchés locaux continuent de vendre des pièces anatomiques destinées à l’orfèvrerie, à la pharmacie, ou aux souvenirs pour touristes : dents, griffes, os... (3). Le tigre de la Caspienne (Panthera tigris virgata), s’est éteint, en raison de la déforestation et celui de Chine méridionale (Panthera tigris amoyensis), principalement victime de la pharmacopée chinoise, ne pourra plus subsister à l’état sauvage. Dans le Sud de la Chine, au Vietnam, au Cambodge et en Thaïlande, il ne reste plus que quelques centaines de représentants du tigre d’Indochine (Panthera tigris corbetti).

Quant à la survie du tigre de Sibérie (Panthera tigris altaica), elle est très précaire puisqu’il ne reste que 500 individus vivants encore dans la nature. Le tigre du Bengale, ou tigre royal, (Panthera tigris tigris), est lui aussi menacé à cause de la surpopulation et de la déforestation en Inde. Sous l’impulsion des Gandhi, l’Inde avait entamé un effort significatif de protection de l’espèce, à partir de 1973, mais le gouvernement indien ne parvient pas à enrayer le déclin. En juin dernier, la Banque mondiale a lancé un projet visant à enrayer la disparition du tigre sauvage. (Edicom).

J’allais oublié de mentionner le commerce de l’ivoire auquel la Chine prend une large part, que ce soit sur le plan légal ou illégal. Cet été, la CITES a autorisé Pékin a se fournir auprès de quatre pays africains. Cette décision, très controversée, a été acquise notamment grâce au vote de la Grande-Bretagne. Pour les écologistes, l’entrée de la Chine sur le marché relancera le commerce illégal de l’ivoire et favorisera la recrudescence du braconnage. A noter, que sous la pression des associations comme l’IFAW, la société de commerce en ligne ebay vient de prendre l’engagement de ne plus permettre l’achat et la vente d’objets en ivoire sur son site, décision importante si l’on songe qu’internet constitue l’un des principaux réseaux du commerce illégal. On estime que 20 000 éléphants sont abattus chaque année à cause de l’ivoire de leurs défenses (4).

Le Canada, l’Espagne, l’Egypte, la France et les autres…

A Canadian sealer, in the Gulf of St. Lawrence

Si la Chine est un véritable fléau pour le monde animal, la cruauté reste le triste apanage de l’homme, quelle que soit sa nationalité. En Amérique, le Canada est depuis trop longtemps tristement célèbre pour ses vastes campagnes de chasse aux phoques, une pratique innommable et inutile, qui occasionne de grandes souffrances, malgré les dénégations de ses promoteurs. “Les chasseurs canadiens utilisent des gourdins, des hakapiks (instruments avec une pointe métallique) ou des fusils. Les témoins ont pu voir sur place des phoques lutter contre la mort pendant plus d’une heure, après avoir eu le crâne fracassé. La vision de nombreuses dépouilles sans peau et le son particulièrement horrible produit par les gourdins écrasant le crâne des bébés phoques ont marqué tout particulièrement les observateurs” (5) . Une vidéo, parmi d’autres, publiée sur dailymotion, permet de mesurer la réalité insoutenable de cette pratique. La chasse aux phoques constitue le plus grand massacre de mammifères marins sur la planète. Les phoques sont chassés pour leur fourrure, leur huile, utilisée notamment comme supplément d’oméga 3, et leur pénis, censé avoir des vertus aphrodisiaques, est revendu sur le marché asiatique. Plus d’un million de phoques ont été abattus sur la banquise ces quatre dernières années. Pour la seule année 2008, le gouvernement canadien a fixé le quota d’abattage à 275 000 phoques. Rien n’est pire que la surdité du Canada face aux cris d’indignations qui s’élèvent depuis près de quarante ans, notamment à l’initiative de Brigitte Bardot. Le massacre est aussi pratiqué en Namibie où le quota d’abattage a été fixée cette année à 85.000 otaries. Le 3 juillet dernier, le commissaire européen Stavros Dimas, de passage en France, a annoncé qu’il allait présenter, le 23 juillet, jour de la sainte Brigitte, une proposition visant à interdire l’importation de produits dérivés de la chasse aux phoques au sein de la Communauté européenne.galgo20Cruauté indicible aussi des Espagnols qui n’ont pas de procédés assez barbares pour faire souffrir les galgos, ces lévriers qui ont eu le malheur de perdre une course ou qui, tout simplement, paraissent trop usés pour servir. Alors, on les brûle vif, on leur mutile la truffe, on les pend jusqu’à ce que mort s’ensuive. La cruauté envers les animaux correspond malheureusement en Espagne à une tradition ancienne et toujours vivace. Il suffit d’énumérer les fêtes et célébrations diverses qui donnent lieu à des maltraitances ou à de purs massacres (6).

 Cruauté indescriptible de certains pays arabes comme l’Egypte où les chiens et les chats sont martyrisés et battus à morts, sans parler des animaux qu’on laisse lentement crever de faim, attachés à un pieu, jusqu’à ce qu’ils s’effondrent.
N’oublions pas notre propre pays, la France où, au nom de la tradition, on fait souffrir des milliers d’animaux : les oies et les canards encagés et gavés à vie pour que nous puissions manger leur foie (7). Et les taureaux de nos corridas dont l’agonie et la mort constituent un sujet de réjouissance, comme en Espagne. Il faut encore ajouter à cela les cuisses de grenouilles, importées d’Asie pour approvisionner le marché européen : Jetées et transportées pendant des heures dans des sacs, elles sont placées sur un billot de bois, profondément entaillées à la nuque, coupées en deux et éviscérées. Les grenouilles sont encore conscientes et peuvent mettre un long moment à agoniser, entassées à même le sol. Les membres inférieurs qui ont été sectionnés sont rincés de façon souvent rudimentaire avec de l’eau parfois impropre à la consommation. La peau est ensuite retirée et les cuisses de grenouilles sont congelées pour l’exportation » (8).
Comment agir ? En ne consommant aucun des produits issus de ces pratiques barbares, en soutenant les associations qui luttent pour les enrayer, en écrivant aux responsables économiques et politiques, susceptibles de faire évoluer la situation, notamment dans le cadre des Jeux olympiques de Pékin, pour ce qui concerne la Chine. L’Europe, a fait énormément de progrès en matière de bien-être animal. C’est une école de respect pour l’être humain, non seulement dans sa relation générale au monde vivant, mais aussi dans les rapports qu’il entretient avec ses propres congénères.

* Pour la protection des requins et des écosystèmes marins : vous pouvez signer la pétition sur le site lapetition.be ; agir et vous informer sur le site The Shark Alliance, (voir notamment les récents projets de protection émanant de la Communauté européenne), rejoindre des associations comme le Seashepherd de Paul Watson ou l’IFAW (International Fund for Animal Welfare), association plus généraliste en matière de protection animale.

 * Pour la protection du tigre : La Tiger Watch Foundation tente de protéger les derniers tigres du parc de Ranthambore, dans le Rajahstan indien, en essayant notamment d’assurer la reconversion des braconniers et de promouvoir divers programmes sociaux (école, hôpital, émancipation des femmes, protection de la forêt, etc.) ; voir aussi les sites du Wildlife Conservation India et de l’ONG britannique 21st Century Tiger, la Tiger Foundation, et Save The Tiger Fund (USA). Vous trouverez la description de plusieurs autres associations de protection du tigre sur le site Indian Tiger. L’International Tiger Foundation est une alliance de 35 organisations représentant une centaine d’associations qui se sont fixées comme objectif la préservation du tigre : voir la liste sur le site de STF.
* Pour la protection des ours à collier ou des autres animaux objets de maltraitance en Asie et en Chine : L’association Animal Asia tente de soigner et d’assurer un refuge aux ours à collier qu’elle accueille dans un état parfois critique : certains ne survivent même pas au transport ou meurent quelques temps après. Pourtant, le dévouement de cette équipe permet de soulager bien des souffrances, notamment par la voie chirurgicale. Il faut dire que les blessures de ses animaux sont graves et souvent irreversibles : chair pourrie jusqu’à l’os, plaie ouverte et purulente à l’abdomen, cancer du foie, etc. L’association One Voice, que nous avons souvent eu l’occasion de présenter dans ce blog, déploie des efforts conséquents, notamment pour préserver les populations d’ours en Inde ou alerter l’opinion public et lutter contre la maltraiance en Chine. Pour soutenir l’association et consulter ses autres domaines d’intervention en France comme en Asie, consulter le site de One Voice. L’association oeuvre d’ailleurs en partenariat avec Act Asia dont la mission, essentielle, consiste à former et à soutenir, en Asie, les personnes vouées à la protection animale.

(1) Une enquête menée récemment par One Voice, donne un aperçu des mauvais traitements dont sont victimes les chiens destinés à l’alimentation. Les membres de l’association ont visité, entre autres, l’usine de M. Wang, dans le Jinan, au sud-est de la Chine : “Dans les cages, les chiens s’agitaient de façon pitoyable : ils avaient de bonnes raisons d’être terrorisés. À l’aide d’une longue pince, un ouvrier a attrapé le cou d’un chien et l’a sorti de sa cage tandis que l’animal se débattait, puis il l’a frappé à la tête et au museau jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il l’a ensuite traîné vers la zone d’abattage, il a mis le pied sur la tête du chien avant d’introduire un doigt dans son cou et de le saigner. Pendant que son sang s’écoulait sur le béton, l’animal était secoué de spasmes. Cependant, il était toujours vivant. Le boucher l’a laissé agoniser pendant sept minutes dans des conditions effroyables, le temps de tuer plusieurs autres chiens. Enfin, il l’a frappé à mort et l’a mis dans la marmite en ébullition afin d’en détendre la peau. « La peau ne se détache pas si le chien est encore vivant quand on l’ébouillante », nous a-t-on expliqué. La désinvolture dans laquelle une telle brutalité s’exerçait était presque aussi effrayante que les souffrances qu’elle provoquait. Nous avons vu des chiens amenés pour être abattus, comprimés les uns contre les autres dans des cages transportées sur des motos et sur de petits tracteurs. Les chiens étaient brutalement tirés des cages par le cou à l’aide de crochets en fer, ce qui les faisait hurler et se tordre de douleur. À un moment, un petit terrier a réussi à s’échapper au moment où on le sortait de sa cage. Un des ouvriers l’a brutalement attrapé et tiré à l’aide des crochets en fer, et les cinq ou six ouvriers qui assistaient à la scène ont rigolé en l’entendant hurler de douleur et de terreur. Certains chiens – divers terriers mais aussi des croisements de chiens danois – portaient des colliers, ce qui laisse penser qu’ils avaient été des animaux de compagnie. Compte tenu de sa dimension et de la cruauté de ses méthodes, cette usine est ce que nous avons visité de plus choquant en Chine. Notre chauffeur, un Chinois d’une cinquantaine d’années, en avait les larmes aux yeux. De tous les Chinois que nous avons rencontrés, il n’était pas le seul à être choqué et dégoûté par la façon dont les animaux sont traités dans son pays, ce qui nous laisse espérer que le jour où ce que nous avons vu sera montré à une part suffisamment importante de la population, une cruauté aussi épouvantable ne sera plus permise”.

(2) Voir le rapport effectué pour Traffic par Julia Ng and Nemora, Tiger Trade revisited in Sumatra, Indonesia, 2007. Voir aussi l’article de Sciences et Avenir, La triste fin du tigre de Sumatra.
(4) Voir l’article Return of ivory trade as Britain backs China, de Michael McCarthy and Colin Brown dans The Independent du 16 juillet 2008. Depuis juin 1997, le Bostwana et le Zimbabwe peuvent exporter leurs stocks d’ivoire vers le Japon. Voir aussi, en français, l’article du 14 octobre 2008 de l’IFAW, et la Radio des Nations Unies pour l’interview d’un représentant de la CITES.
(5) Claire Cambier dans Aujourd’hui la Chine.
(6) Voir le site de protection des animaux.
(7) “Le gavage, procédé qui permet de produire du foie gras, génère de grandes souffrances pour les oiseaux. Le foie gras est interdit pour motif de cruauté dans la plupart des pays de l’Union. Qu’est-ce que le foie gras, et comment est-il produit ? Le gavage consiste à enfoncer de force un tube de métal de 20 à 30 centimètres dans la gorge d’un canard ou d’une oie. Pour contraindre son corps à produire du foie gras, l’oiseau doit ingérer en quelques secondes une quantité de maïs telle que son foie finit par atteindre de 5 à 10 fois sa taille normale, et développe une maladie, la stéatose hépatique. Suite au choc du gavage, il est pris de halètements, de diarrhées, de vomissements. Plus d’un million d’oiseaux meurent chaque année en France des blessures et maladies du gavage (statistiques de la filière du foie gras) avant d’arriver à l’abattoir. Pour qu’ils ne puissent pas se débattre quand on leur empoigne le cou, la plupart des plus de 30 millions de canards gavés chaque année en France sont enfermés dans une cage si petite qu’ils ne peuvent pas se déplacer ni même se retourner. Le foie, devenu énorme, compresse leurs poumons et les rend haletants. Le passage de l’embuc provoque souvent des lésions ou des perforations de leur gosier. Peu de gens connaissant la réalité du gavage seraient prêts à infliger volontairement et consciemment de tels mauvais traitements à un oiseau pour un bout de foie gras un jour de fête…” (source : rebellyon.info). Voir l’article d’Yves Miserey dans le Figaro du 15-10-2007.
(8) Voir le dossier Ne mangez pas nos cuisses de l’association Stéphane Lamart.
Pour toute référence à cet article, merci de préciser : Laurent Dingli, “La Chine fléau du règne animal”, Le site de Laurent Dingli, juillet 2008.
Samedi 19 juillet 2008.
Dernière mise à jour : 29 juillet 2008.

L’homme et l’animal

kayzou_copieParmi les griefs que l’on adresse parfois aux écologistes, notamment à ceux qui sont investis dans la protection animale, figure celui de ne pas suffisamment penser à l’homme. J’ai souvent entendu ce grief dans la bouche de particuliers ou encore dans celle de certains philosophes français. Lorsque Cannelle, la dernière ourse des Pyrénées a été abattue par un chasseur, Michel Serres s’est ainsi publiquement offusqué que l’on pût se préoccuper du sort d’un animal – pourtant la dernière représentante de sa sous-espèce – alors que tant d’enfants mourraient chaque semaine dans le monde. A vrai dire, je n’ai pas bien compris l’incompatibilité de ces deux prises de conscience, car le sort des animaux ne m’a jamais empêché de songer à celui des hommes. Plus récemment, le philosophe Bernard-Henri Lévy attirait à juste titre l’attention sur la situation du Darfour et le désintérêt du public français pour ce drame ; il a terminé en disant, avec une pointe d’ironie : il n’y a tout de même pas que les bébés phoques. Là encore, le lien entre ces deux souffrances ne m’est pas apparu très clairement. Enfin, dernier exemple, celui du philosophe Alain Finkielkraut. Il y a douze ans, je manifestais avec un petit groupe de personnes, à Beaubourg, contre l’abomination de Sebrenica, qui était en voie d’exécution par les criminels serbes. Nous nous étions rendus un jour à la Mutualité pour écouter le philosophe discourir sur le sujet. Je ne sais plus comment, mais la discussion a dévié sur la reprise des essais nucléaires, décidée par le président Jacques Chirac, en dépit des engagements internationaux de la France. Et Alain Finkielkraut – je m’en souviens très bien – a eu cette phrase caractéristique : « nous n’allons tout de même pas nous préoccuper de la santé de quelques crabes du Pacifique ». Les positions du philosophe ont évolué depuis lors et il faut s’en réjouir (1). Mais tous ces exemples, et celui encore très récent de BHL, illustrent bien l’incapacité de penser l’unité du vivant, et cette obstination à vouloir opposer deux combats qui, somme toute, devraient être complémentaires et procéder d’une même vision humaniste du monde.

En vérité, l’action de beaucoup d’hommes et de femmes, investis dans la protection de la biodiversité, dément cette vision d’une écologie qui serait centrée uniquement sur l’animal. Voici par exemple le cas éloquent du jeune Aurélien Brulé, responsable de l’association Kalaweit qui, en sauvant des gibbons d’Indonésie, donne par la même occasion une nouvelle chance au peuple Dayak, menacé par la déforestation. Aurélien reprend ainsi, avec originalité et succès, la manière de procéder du WWF qui, partout dans le monde, a compris qu’on ne pouvait préserver la biodiversité sans y associer les hommes. C’est aussi un des mots d’ordre de nombreuses associations, notamment One Voice en Inde ou Help-Primates au Congo.

Bien entendu, la cohabitation entre l’homme et l’animal sauvage n’est pas toujours simple ; la sécheresse, notamment, accentue les difficultés comme en Afrique de l’Est où éleveurs et éléphants parviennent difficilement à coexister. De même, l’expansion urbaine, parfois anarchique dans de nombreux pays du globe, détruit l’habitat de certaines espèces et les contraint à investir les faubourgs et les banlieues de ces grandes villes, ce qui les fait alors considérer – un comble ! – comme des animaux nuisibles. C’est le cas avec les singes à New-Delhi ou dans la province du Cap. L’un des grands défis du 21ème siècle sera de trouver des réponses satisfaisantes au problème de la coexistence entre l’homme et l’animal sauvage (sans parler bien entendu du respect élémentaire que nous devons aux animaux d’élevage, souvent surexploités sans vergogne pour des raisons financières et de mauvaises habitudes alimentaires).

Que les philosophes français ne s’inquiètent donc pas. Nous ne risquons pas d’oublier l’être humain qui, par son attitude souvent irresponsable, par son goût prononcé pour la destruction et le gâchis, se rappelle bien souvent à nous. Croire que le fait de penser à l’homme et de prendre l’animal en considération sont deux démarches exclusives, constitue une terrible appauvrissement sur les plans philosophique, sentimental et spirituel. Peut-être faut-il y voir, en partie, l’héritage des trois religions monothéistes, qui considèrent souvent l’animal comme un instrument aux mains de l’homme (2). Je préfère sur ce point le message de l’hindouisme et celui du bouddhisme tibétain, pour lesquels il n’existe pas d’êtres supérieurs ou inférieurs. La réincarnation, bien entendu, règle en quelque sorte la question. J’irai même plus loin encore. Je considère pour ma part que l’humanité de demain sera animiste ou ne sera pas ; je ne parle bien sûr de reprendre au pied de la lettre les différentes spiritualités des peuples « premiers », ce qui serait un étrange anachronisme, mais d’inventer, en associant cet héritage ancien à la modernité, une nouvelle forme de rapport au monde.

(1). Alainn Finkielkraut est, à ma connaissance, le seul à avoir pris la mesure de la question. Voici de très beaux passages de L’imparfait du présent (2002) dans lesquels l’auteur dénonce à juste titre l’instrumentalisation et la chosification de l’animal. Dans ce cadre, la crise de la vache folle a sans doute constitué un révélateur : “Il n’y a plus d’animaux dans l’agriculture ni de nature, plus rien qui soit antérieur à l’opération technique et qui en limite la puissance. Ce n’est plus seulement notre civilisation qui tend à prendre “la structure et les qualités d’une machine”, comme l’écrivait Valéry dès 1925, c’est la réalité tout entière. Car “la machine ne souffre pas que son empire ne soit pas universel et que des êtres subsistent étrangers à son acte, extérieurs à son fonctionnement” (Paul Valéry, Sur la crise de l’intelligence in Vues, La Table Ronde, 1993, p. 127)”. Plus loin encore, le philosophe remarque, à propos de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine) : “Deux millions de vaches inutiles doivent être ainsi tuées, broyées, moulues et incinérées en cette première année du nouveau millénaire. Prudence tardive ? Insuffisante ? Excessive ?… Prudence dénuée de prévenance en tout cas. Ce n’est pas avec les vaches qu’il a été décidé de prendre des précautions. Le principe de raison les avait expulsées du monde de la vie. Le principe de précaution leur donne le coup de grâce en leur fermant la porte du scrupule et de la sollicitude. C’est parce qu’elles ne relevaient plus de la sphère du donné mais de celle du calculable qu’on a rendu les vaches carnivores (et que l’épizootie a pu se développer). L’angoisse qui nous étreint maintenant devant les retombées humaines de ce décret souverain aggrave leur cas. Nous nous dépêtrons de notre dernière prouesse artificialisante, sans égard, sans ménagement, sans vergogne, sans prêter la moindre attention à ses premières victimes. Pas une larme pour les vaches ! Pas un sanglot, pas le moindre élan de pitié pour ces placides animaux rendus fous par nos soins et qui ont, en outre, l’impudence de nous transmettre leur mal” (pp. 33 et 45).

Pour illustrer les propos d’Alain Finkielkraut, je prendrai encore deux exemples. Il y a quelques temps, le virus H5 N1 (grippe aviaire) avait menacé la Russie et, par précaution, les autorités s’étaient “débarrassées” d’une centaine de volailles. Interrogé par un journaliste, le paysan, propriétaire de l’élevage en question, avait eu ce commentaire horrible : l’essentiel c’est que ma femme et moi n’ayons rien, les poulets, c’est pas grave, c’est matériel » ! Autre exemple, après une attaque de brebis attribuée au loup, un paysan français en colère, répondant à un journaliste qui lui demandait s’il acceptait tout de même la présence du prédateur sur le territoire, avait eu cette remarque surprenante : « oui, j’accepterai le loup quand il sera devenu herbivore »… Non seulement l’excès d’anthropocentrisme confine souvent à la sottise, mais il relève en l’occurrence du simple déni de réalité, puisque les loups deviennent herbivores et les poulets sont ravalés à l’état de simples objets matériels.

(2). Liens utiles pour compléter et nuancer cet article : un texte sur le respect dû aux animaux dans la religion juive ; l’intéressante déclaration de Mgr Di Falco sur le nécessaire respect des animaux ; le hadith du prophète Mohamed qui enjoint de sauver des fourmis. Voir aussi l’interview de la philosophe Elisabeth de Fontenay, auteure du Silence des bêtes (Fayard), dans le Figaro daté de 2001.