L’Expansion, octobre 2000, par Laurence Ville

Louis Renault : retour sur une figure controversée

Un jeune historien tente de réhabiliter l’industriel accusé de collaboration avec les Allemands en 1944. Le débat peut commencer…

Voilà une biographie qui, parions-le, va faire l’effet d’une bombe. Il s’agit en effet de Louis Renault, patron emblématique de la célèbre firme automobile, qui selon un jeune historien, serait innocent des accusations de collaboration portées contre lui à la Libération. L’industriel avait été arrêté à la fin de la guerre et était mort en prison quelques semaines plus tard sans avoir été jugé. Ses usines avaient alors été nationalisées, sans contrepartie.

S’appuyant sur cinq années de recherches et sur des archives inédites, l’auteur de cette biographie, Laurent Dingli, soutient aujourd’hui que le dossier d’accusation contre l’industriel serait en réalité vide. Renault aurait au contraire essayé de résister aux exigences de l’occupant et, faute d’avoir su s’expliquer, aurait joué le rôle de bouc émissaire. “Une victime expiatoire, désignée d’avance, a payé pour tous”, écrit l’auteur en pointant tous ceux que cette accusation arrangeait : les anciens de Vichy, et particulièrement le neveu de l’industriel, les communistes, et même les gaullistes pour qui c’était l’occasion de confisquer les usines sans avoir à débourser un sou…

Cette thèse, nouvelle et provocante, devrait relancer la polémique. L’avenir dira si le débat entre historiens peut éclaircir le mystère de cette personnalité controversée. Au-delà de ce point difficile, cette biographie a le mérite de montrer comment Renault a pu survivre à son créateur et s’inscrire dans le patrimoine national. Toute l’histoire de l’entreprise se confond avec l’histoire économique et sociale de la nation au cours du XXème siècle. De la contribution à la victoire de 1918 grâce au lancement du petit char d’assaut au rôle d’avant-garde joué par l’entreprise dans l’adoption d’un salaire minimal et de certains avantages sociaux, en passant par les grands mouvements partis de Billancourt, la firme au losange a toujours eu un rôle à part. Quant à Louis Renault, “il n’est ni le grand patron social ni le “saigneur” de Billancourt, mais un homme qui par sa complexité échappe aux caricatures”. En attendant plus d’éclaircissements sur ce personnage en tout cas hors du commun…