L’une des nombreuses pratiques honteuses liées à l’activité criminelle qu’est la chasse : l’élevage d’oiseaux, brutalement empaquetés pour être relâchés et, rapidement, massacrés par les chasseurs
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La belle Zorah : ni pute ni soumise !
Douce, intelligente, élégante et gracieuse sont les quelques qualificatifs qui me viennent à l’esprit pour décrire notre chienne Zorah. Voici un petit résumé de son histoire et de sa personnalité si tant est que nos sens humains, toujours limités, aient pu les percevoir.
Zorah est née au Maroc, dans la ville de Fez. Elle est ce qu’on appelle au Maghreb une “beldi”, un chienne “du pays” (balad en arabe), c’est-à-dire locale, indigène, une “corniaud” ou une “bâtarde” comme on disait sous nos latitudes un peu bêtement des chiens qui ne sont pas racés. Son intelligence, Zorah l’a forgée grâce, ou plutôt, à cause de la dureté de la vie dans la rue, au Maroc où, comme dans tout le Maghreb, et dans bien d’autres régions du monde, les chats et les chiens errants sont régulièrement massacrés de manière épouvantable après avoir souvent vécu une vie de souffrances et de misère [Sur les opérations d’abattage de chiens au Maroc voir notamment la page d’observer.france24]
C’est en 2008, alors que nous visitions notre ami André à Fez que nous l’avons vue sortir de l’arrière d’une voiture où elle s’était sans doute dissimulée pour jouir d’un peu d’ombre tout en évitant les mauvais traitements des humains ou les conflits avec d’autres animaux. Elle était dans un état pitoyable, maigre, couverte de crasse et de parasites. A-t-elle senti que nous pouvions être bienveillants à son égard ? Sans doute car elle s’est immédiatement plantée devant nous avec son regard d’enjôleuse à nul autre pareil ! Il faut voir en effet le regard, les oeillades et les mines de la belle et mutine Zorah pour savoir ce qu’est une vraie charmeuse.
Et elle a su faire notre conquête. Ma femme et moi avons échangé deux mots et décidé de l’adopter. Et nous avons bien fait car, quelques jours ou quelques semaines plus tard, tous les chiens errants de la ville ont été massacrés. Combien d’individus doux et intelligents comme elle ont été tués parce que les hommes par cruauté ou indifférence, au Maroc ou ailleurs, pensent qu’il est bien plus simple d’empoisonner, de fusiller ou de battre à mort un être sensible plutôt que d’apprendre à endiguer certaines maladies comme la rage ou à gérer certaines réalités très relatives comme la “surpopulation”. La France où l’on martyrise les renards, gaze des cochons, torture les taureaux et broie ou asphyxie des poussins vivants, n’a malheureusement pas de leçons à donner aux autres pays dans ce domaine, sans parler de la situation catastrophique des Antilles ou de La Réunion [Voir l’article de France-Soir sur la Réunion ; Le chien dans la société martiniquaise, un mémoire de Claude Vilo, et la page de guadeloupe.franceantilles.fr].
Nous avons demandé à notre ami André s’il pouvait garder Zorah le temps de faire les papiers nécessaires (vaccins etc.). Sans la gentillesse d’André, qui l’a gardée près de lui pendant plus de deux ans – les démarches furent interminables -, nous n’aurions jamais pu partager avec Zorah notre vie en Bretagne. Zorah a aussi profité de l’affection et de la gentillesse de ses gardiens marocains à qui je veux rendre ici un hommage appuyé, notamment à Abderazak (c’est-à-dire “le serviteur du Donneur de substance, du grand pourvoyeur de toutes choses”, l’un des qualificatifs de dieu dans la religion musulmane). Malheureusement, lorsqu’Abdou est parti pendant un moment rejoindre sa famille dans le sud marocain, Zorah a été confiée à une cantine où on l’a bien nourrie mais aussi enfermée dans le noir. Pendant des années, elle a refusé de s’approcher de notre cave et ce n’est que bien plus tard que j’ai su ce qu’elle avait vécu et que j’ai compris sa réaction.
Et voici notre charmeuse enfin avec nous ! La belle marocaine est devenue une séduisante bretonne qui cumule les attraits des deux cultures ! (Je ne fais pas d’anthropomorphisme, je plaisante seulement). Lorsque nous ne sommes pas en Presqu’île, c’est notre amie Jeannine qui profite de la présence de Zorah (Zozo pour les intimes).
Ni pute ni soumise, Zozo est tendre mais ne s’en laisse pas conter et, comme beaucoup d’animaux qui ont été maltraités, elle ne supporte pas qu’on lève la main en sa présence, et encore moins si cette main est munie d’un bâton. Comme tous les autres êtres sensibles, Zorah est un individu qui doit être aimé et respecté. C’est son cas désormais. Elle a de la chance. En l’espace de quelques années, elle s’est attiré bien des sympathies et s’est construit une petite célébrité à Crozon où l’on reconnaît de loin les balancements gracieux de sa belle queue en panache.
Zorah, dont les petits ont malheureusement achevé leur vie tragiquement au Maroc, a pu retrouver un peu de son instinct maternel tout en exprimant une chaleureuse autorité avec la petite Inti, la nouvelle “fille” de notre amie Josiane et “filleule” de ma femme. Eh oui, on ne plaisante pas avec les liens de parenté !

Zorah procédant à l’éducation d’Inti, un mélange de jeu et d’autorité propre aux chiens et à certaines autres espèces de mammifères © Laurent Dingli – Tous droits réservés
Depuis lors, Inti, véritable privilégiée, a le droit de tout faire ou presque : monter en voiture avec elle pour effectuer de belles ballades sur la lande bretonne, bref investir l’espace de Zozo sans que cette dernière, qui monte d’ordinaire la garde de manière très sourcilleuse, n’aboie ou ne retrousse un seul instant ses babines. Et puis la Bretagne, c’est chouette, on peut jouer dans de grands espaces et se baigner avec sa copine !
Il existe beaucoup d’associations ou de simples particuliers qui tentent de venir en aide aux chats et chiens errants du Maghreb. C’est le cas notamment, en Tunisie, de Sabrina Hajji dont vous pouvez découvrir le travail quotidien épuisant sur sa page Facebook (cliquer sur son nom). Je suis également Kaouther Ben Janet, qui fait un travail magnifique, toujours en Tunisie. Ce ne sont là que deux exemples. Sur les réseaux sociaux, il faut faire cependant attention aux fausses cagnottes organisées par de vrais escrocs qui profitent de la détresse animale et de la sensibilité des donateurs pour gagner de l’argent facilement. N’hésitez pas à vérifier et à demander des garanties. Sabrina elle-même a été récemment victime d’un tel malfaisant. Enfin, lorsque vous voyagez, n’hésitez pas à évoquer la condition animale et votre réprobation des massacres. En revanche, je suis opposé au boycott qui constitue selon moi une arme contreproductive, arme, qu’en toute logique, nous devrions nous appliquer à nous-mêmes !
D’autres photos seront bientôt ajoutées.
Muriel Arnal, biographie d’une militante de la cause animale
Je voudrais présenter aujourd’hui, dans le cadre d’un second portrait, une femme d’exception, Muriel Arnal, présidente et fondatrice de l’association One Voice.
Là où un animal souffre, victime de la bêtise et de l’indifférence des hommes, vous la trouverez présente, attentive, déployant une énergie inépuisable pour soulager des êtres vivants que nous avons trop souvent l’ignorance et l’insensibilité de mépriser, des êtres que le droit assimile encore à des biens meubles, des êtres marchandises, instrumentalisés, maltraités aux quatre coins du globe. Dans son histoire, l’homme n’a même pas eu l’élégance et la générosité de rendre à l’animal le centième de ce que ce dernier lui avait apporté. Chiens d’avalanche ou sauveteur en mer, compagnons de prisonniers, de personnes âgées ou d’enfants malades, ce sont les mêmes que nous abandonnons, par milliers, chaque année, attachés à des poteaux, sur le bord des routes, les oreilles parfois coupées, pour que l’on ne puisse pas lire le numéro de tatouage et reconnaître ainsi le lâche qui les a abandonnés. Et ce sont les même que nous utilisons dans l’expérimentation animale pour améliorer nos cosmétiques.
Avide, cruel et ingrat bipède ! Les animaux qui ont porté sur leur dos des générations d’hommes, les ont guidées, sauvées, habillées, nourries ; bêtes de trait, condamnées à vie, attachées à la meule, tournoyant sans fin pour moudre notre blé ou broyer nos olives ; bêtes de somme fouettées, harassées, bastonnées, aiguillonnées ; bêtes de foire, enchaînées, encagées, dressées, mutilées, pour le plaisir barbares de nos jeux du cirque, anciens et modernes, combats de coqs et de chiens, taureaux pour corridas, divertissements et traditions criminelles, bains sanglants des îles Féroé et Matanza de Sicile ; bêtes objets de nos superstitions, de l’idolâtrie la plus fanatique à la diabolisation la plus effrénée, chats des Egyptiens momifiés avec leur maître ; chats noirs du Moyen Age, encloués aux portes des granges ou brûlés pour sorcellerie ; bêtes de guerre, dauphins ou chiens bardés d’explosifs, chevaux, mis en pièces par millions dans nos batailles absurdes, étalons dont les têtes et les membres étaient arrachés par la mitraille ou les boulets, haridelles éventrées à coup de baïonnette ou gisant dans nos tranchées, animaux gelés de Stalingrad, chevaux abattus pour une patte cassée, quand la vie chosifiée ne nous était plus utile ; bête aussi de ventre et de mangeaille, oies et canards de France et d’ailleurs dont la vie se passe à être gavées, la panse massée pour que la purge pénètre vite et mieux ; chiens et chats, battus à mort en Chine pour être plus goûteux ; requins découpés à vif puis rejetés dans l’eau sans leur aileron, parce que l’équarrisseur veut aller plus vite et gagner davantage ; veaux arrachés à leur mère dès la naissance, pour passer leurs six mois de vie, seul, dans la cage exiguë des élevages industriels, à chercher le contact d’un autre être vivant, et surtout celui de leur mère, léchant pour cela désespérément les barreaux de leur infecte prison ; poulets égorgés à la chaîne pour nos fast-food, afin que des générations d’humains repus, et autres nouveaux obèses, aient l’illusion d’apaiser leur mal-être ou leur ennui ; vaches qu’on a rendu folles en les rendant cannibales, pour satisfaire notre monstrueuse avidité et notre matérialisme désenchanté ; volailles, entassées sans air, sans espace, sans lumière, poussins écrasés, piétinés, truies aux dents sciées, vaches à viande et vaches à lait, surexploitées avant d’être balancées en boucherie, animaux qui, s’ils sont malades de leur confinement, paieront cher notre propre faute en étant massacrés par millions, gazés dans des sacs, à la chaîne, de la même manière expéditive et froide avec laquelle on les avait destinés d’abord à nos assiettes ; bêtes cobayes, torturées pour expérimenter les effets toxiques de nos rouges à lèvres et de nos pommades bronzantes ; bêtes médicaments, ours dont la bile est extraite à vif, toujours en Chine, avec une cruauté inouïe, corne de rhinocéros et vie de tigres pour vieux pénis qui bandent mou ; bêtes d’habillement, visons, martres, phoques du Canada assommés par millions, traînés par des pics à glace, puis écorchés sur place, pour draper la poule de luxe ou la mémère en vadrouille ; bêtes encore trop souvent transportées dans des conditions infâmes, crevant dans la chaleur des camions et agonisants dans leurs propres excréments.
Il ne faut pas rire lorsqu’on parle de protection animale, car c’est contre tout cela que, chaque jour, depuis douze ans, combat inlassablement Muriel Arnal. J’admire son courage car il en faut beaucoup, lorsqu’on est sensible comme elle, pour côtoyer constamment la souffrance et l’horreur, celles que nous ne voulons pas voir ou que nous n’osons pas nous-mêmes affronter. Et même si l’on finance son association, ce qui est la moindre des choses, ce n’est rien encore comparé à cette confrontation directe et, le plus souvent insoutenable. Bien sûr, il y a la compensation qu’apporte l’action, le baume que l’on applique sur une plaie constamment et largement ouverte..
Le combat de Muriel Arnal est né d’un choc et d’une admiration. Le choc, le jour où, très jeune encore, elle découvre les ménageries de cirque et la souffrance des animaux qui y sont exploités. L’admiration, c’est celle qu’elle porte à une femme courageuse, la primatologue Dian Fossey, assassinée par des contrebandiers, parce qu’elle avait voué sa vie à sauver les gorilles et leur milieu naturel ; se dégage aussi la haute stature d’un homme, non moins célèbre ni moins admirable, Théodore Monod, le marcheur du désert, celui qui a eu, avant bien d’autres, l’intelligence et le sens du vivant, celui du respect et de l’émerveillement que l’on peut avoir gratuitement pour l’exceptionnelle biodiversité de notre planète.
Muriel veut donc agir et fonde pour cela One Voice en 1995. Ses valeurs : le respect absolu qu’elle porte à l’intégrité morale et physique de tout être vivant. L’association est imprégnée par la philosophie de sa fondatrice : la non-violence, l’apolitisme et l’indépendance totale. Elle milite pour l’unité des droits humains, animaux et environnementaux. En France, plus de 20 000 personnes ont rallié son mouvement.
Les réalisations de One Voice sont trop nombreuses pour être énumérées ici. Donnons seulement quelques exemples. L’association fait partie de la Coalition européenne pour la fin de l’expérimentation animale (ECEAE) qui a fait voter la directive “cosmétique” au Parlement européen et lutte pour l’abolition des tests sur les animaux. Les campagnes ont pour but de démanteler les trafics et faire cesser leur exploitation ; d’interdire la capture des ours, d’arrêter la chasse aux phoques ; de faire reconnaître le droit des grands singes ; de cesser l’utilisation des animaux dans les cirques et de mettre fin à l’élevage industriel.
L’association défend les animaux où qu’ils se trouvent et quelles que soient leurs difficultés, même si certaines causes paraissent désespérées. One Voice a pu ainsi libérer des animaux de laboratoire (chiens, chats et primates), faire opposition à la création d’élevages de primates et de chiens pour les laboratoires, empêcher l’agrandissement d’un élevage de visons, empêcher l’ouverture d’élevages industriels et libérer les dauphins. Les animaux sauvages des pays lointains ne sont pas oubliés puisque l’association protège leur milieu naturel en Asie, en Amérique du sud et en Afrique. Un exemple parmi d’autres. Il y a quelques années, la situation difficile dans laquelle se trouvait l’association Kalaweit, consacrée à la protection des gibbons d’Indonésie, a ému Muriel et One Voice a fait d’importants efforts financiers pour la soutenir (Soulignons aussi au passage le soutien personnel de la comédienne Muriel Robin). En Inde, l’intervention de One Voice permet de sauver des ours auxquels les dresseurs cassent les dents à vif, pour les empêcher de mordre, avant de les torturer.
Muriel est donc constamment sur le terrain. Un jour, la voici avec la gendarmerie et des caméras de télévision pour intercepter un camion dans lequel des animaux sont en train d’agoniser ; le lendemain, on la retrouve avec ses adhérents et le dessinateur Cabu, interpellant le gouvernement canadien, par l’intermédiaire de son ambassadeur, pour faire cesser le massacre des phoques. Une autre fois encore, elle met à l’index de la même manière le gouvernement chinois qui laisse perdurer l’exploitation barbare des ours. La voici encore avec la police indienne en train de libérer des oursons capturés par des braconniers, lesquels panseront leurs plaies dans le refuge qu’elle a créé. A tout moment, elle piste les animaux en détresse, comme cette éléphante, Samba, qui vivait un calvaire dans un cirque, ou ces chiots et chatons importés des pays de l’Est par les trafiquants. Avec son équipe, elle mène de véritables enquêtes, filme en caméra caché et prend des risques afin d’alerter l’opinion publique. Pour toutes ces raisons, il faut saluer la grande modestie de Muriel. Elle ne veut pas de publicité personnelle, seule la renommée, et donc l’efficacité de son combat, la préoccupe vraiment.
Certains diront peut-être que, dans la nature, les animaux n’ont aucun droit. Je répondrais que l’homme non plus n’en avait pas avant de s’en attribuer lui-même. Aujourd’hui, notre niveau de civilisation dépend aussi de la manière avec laquelle nous nous comportons envers les animaux. Trop souvent encore, nous oscillons entre des extrêmes, entre la vénération (dans le meilleur des cas) et la maltraitance (dans le pire), mais le plus souvent, l’animal est le simple reflet de notre image. Le message que tente de faire passer Muriel, à travers son action, est tout autre ; c’est celui de la reconnaissance de l’animal dans son individualité, celui du respect que nous devons à son existence propre, à son altérité et à la singularité des ses besoins. Des femmes ou des hommes de son calibre, et bien d’autres, moins connus ou laborieux anonymes, sont irremplaçables. Il faut les aider car leur combat est noble et désintéressé. Et si la prise de conscience progresse lentement dans le monde, elle doit toujours affronter de puissants intérêts et des réalités tragiques ; C’est encore, à bien des égards, la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
14 août 2007
Pour toute référence à ce texte, merci de préciser : Laurent Dingli, “Muriel Arnal, biographie d’une militante de la cause animale”, laurentdingli.com, août 2007.