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Entretien filmé avec Paul-Henri Détrie, 7 février 2012

Paul-Henri Détrie, moniteur au camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours, en 1942 © Paul-Henri Détrie

Paul-Henri Détrie, moniteur au camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours, en 1942 © Paul-Henri Détrie

A près de 92 ans, Paul-Henri Détrie a eu l’amabilité de nous recevoir pour évoquer son emploi chez Renault de 1942 à 1945.

Petit-fils du général Paul Alexandre Détrie, fils du général Paul Détrie – qui s’était illustré pendant la Grande Guerre – le jeune homme ne s’est pas orienté vers la carrière militaire. Après avoir effectué des études secondaires à Bayonne, il passe sans succès à deux reprises le concours d’entrée à Saint-Cyr (1938-1940). Depuis son arrivée à Paris, il a intégré la « Réunion des étudiants », la célèbre maison des pères maristes du 104 de la rue Vaugirard, fréquentée notamment par François Mauriac, les frères Henri et Jean Guitton, François Mitterrand et André Béttancourt… A Science-Po (octobre 1940), il fait la connaissance de Bernard Vernier-Palliez, futur P-DG des usines Renault. Paul-Henri Détrie y reçoit l’enseignement de professeurs prestigieux tels que le célèbre historien Pierre Renouvin, amputé  d’un bras pendant la Grande Guerre, et l’historien, géographe et sociologue André Siegfried. Sous l’influence de la « Réunion des étudiants, il rejoint les équipes sociales de Robert Garric à propos duquel Simone de Beauvoir écrivit dans ses Mémoires: « Garric parut. J’oubliai tout le reste et moi-même. L’autorité de sa voix me subjugua. A vingt ans, nous expliqua-t-il, il avait découvert dans les tranchées la joie d’une camaraderie qui supprimait les barrières sociales, niait toutes les limites et toutes les séparations ; sortir de ma classe, sortir de ma peau, ce mot d’ordre m’électrisa ; il faut que ma vie serve ; il faut donc que dans ma vie tout serve ». André Maurrois dira que les équipes sociales de Robert Garric était un « mouvement qui faisait de jeunes intellectuels des missionnaires de la culture parmi le peuple français, non plus sous la forme trop oratoire des universités populaires, mais sous celle plus humaine de petits cercles de dix à douze membres…». A propos de sa formation, Paul-Henri Détrie cite deux travaux de référence : “Le rôle social de l’officier”, célèbre article de Lyautey paru dans la Revue des deux Mondes en 1891 et “Le rôle social de l’ingénieur: scènes de la vie d’usine”, publié en 1932 par Georges Lamirand.


Histoire Renault – Entretien avec Paul-Henri… par Boulogne-Billancourt

Entretien avec Paul-Henri Détrie – Première partie

L'immeuble en face du domicile de Paul-Henri Détrie, 122 avenue Murat, touché par le bombardement du 15 septembre 1943. © Paul-Henri Détrie

L’immeuble en face du domicile de Paul-Henri Détrie, 122 avenue Murat, touché par le bombardement du 15 septembre 1943. © Paul-Henri Détrie

C’est par l’intermédiaire d’André Conquet (1), sous-directeur puis directeur de l’école professionnel Renault qu’il est tout d’abord recruté (avec Bernard Vernier-Palliez) en 1941 comme moniteur du camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours. A ce titre, il y anime différentes activités, dont des jeux et des ateliers de théâtre. Distingué par Robert Guillemard, il intègre alors l’usine comme employé au secrétariat de la Direction du personnel et des services sociaux (à ne pas confondre avec la Direction du personnel proprement dite). Ses fonctions ne seront pas très précises puisqu’on le voit aussi bien apporter des musettes aux membres du personnel partant pour le S.T.O. que prévenir la famille d’une victime d’un bombardement.

Les moniteurs du camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours. Paul-Henri Détrie est au centre. Légèrement sur la droite, les deux jeunes hommes de grande taille sont, au premier plan, Bernard Vernier-Palliez (avec la corne en bandoulière), futur P-DG des usines Renault et, un peu en retrait, Jean Myon (celui qui sourit), futur cadre dirigeant de l'entreprise © Paul-Henri Détrie

Les moniteurs du camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours. Paul-Henri Détrie est au centre. Légèrement sur la droite, les deux jeunes hommes de grande taille sont, au premier plan, Bernard Vernier-Palliez (avec la corne en bandoulière), futur P-DG des usines Renault et, un peu en retrait, Jean Myon (celui qui sourit), futur cadre dirigeant de l’entreprise © Paul-Henri Détrie

Après un voyage mouvementé à Bayonne en juin 1944, le jeune père de famille réintègre une

Cette photo de mauvaise qualité a été prise par Paul-Henri Détrie sur la terrasse des Chams Elysées, le 25 août 1944, alors qu'il se trouvait à côté de Louis Renault. © Paul-Henri Détrie

Cette photo de mauvaise qualité a été prise par Paul-Henri Détrie sur la terrasse des Chams Elysées, le 25 août 1944, alors qu’il se trouvait à côté de Louis Renault. © Paul-Henri Détrie

usine sans activité. Il assiste à la Libération de Paris et surtout, il se trouve le 25 août, côte à côte avec Louis Renault sur la terrasse du magasin Renault, 53 avenue des Champs Elysées, pour assister au défilé mené par le général de Gaulle. Le grand patron, qu’il n’avait jamais approché d’aussi près, applaudissait et semblait heureux. Il n’avait plus que deux mois à vivre.

Paul-Henri Détrie donnera sa démission de l’usine en avril 1945, suite au départ de Robert Guillemard.


Histoire Renault – Entretien avec Paul-Henri… par Boulogne-Billancourt

Entretien avec Paul-Henri Détrie – Deuxième partie

(1) « En janvier 1943, Félix Gourdou laisse la direction de l’école à André Conquet, qui en était le Directeur-Adjoint depuis août 1940. André Conquet est ingénieur diplômé de l’Ecole Centrale des Arts et Manufacture. Depuis 1936, il est affecté au secrétariat particulier de Louis Renault. En 1938, il crée la bibliothèque des apprentis. André Conquet souhaite ardemment depuis 1942 la création d’un département de l’enseignement pour créer un “climat d’éducation” afin d’augmenter “la moralité du travail dans les usines”. Son influence est alors importante pour ce qui est de la définition des orientations de l’entreprise en matière de politique sociale. De 1942 à 1946, il est membre des commissions “Jeunesse”, “Formation professionnelle” et “Loisirs et culture” du Comité social. Conquet pense qu’il appartient à l’école “d’adapter ce qui a été fait pour les jeunes bourgeois à la mentalité de la classe ouvrière, et qu’il ne pourra en sortir que du bien.” (Conquet, 1942). Dans son projet, Conquet propose de faire de l’école un lieu de formation professionnelle, mais surtout un endroit spécifique où les apprentis pourraient développer des qualités artistiques. Il croit qu'”il ne peut en sortir qu’une meilleure compréhension de la culture humaine, et surtout de l’évasion vers des plaisirs plus sains que ceux qu’ont connus ou connaissent encore leurs aînés. “. Pour ce faire, Conquet crée dans l’école des sections de peinture, de chant, de musique, de théatre, de construction de modèles réduits. Il instaure pour tous les apprentis l’obligation de partir en colonie de vacances une fois par an, toujours dans l’esprit de développer chez les apprentis une mentalité propre : “Nous comptons personnellement beaucoup sur la colonie de vacances, bien que l’ambiance qu’on y crée se perde très vite au contact de la vie de l’atelier.”. On peut penser que l’objectif de ce programme est destiné à affirmer la distinction d’un groupe spécifique, les apprentis de l’école, par rapport à un ensemble social plus large, les ouvriers de l’usine. La fonction de toutes ces initiatives est de donner, en transmettant de nouvelles conduites, une marque particulière à un groupe minoritaire en développant chez lui un style de vie propre (Elias, 1985) ». Emmanuel Quenson, L’école d’entreprise Renault 1919-1989. Lire l’ensemble de l’article sur le site gerpsia.org.
Plan du camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours © Paul-Henri Détrie

Cantine du camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours © Paul-Henri Détrie

Camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours © Paul-Henri Détrie

Paul-Henri Détrie au camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours © Paul-Henri Détrie

Pour toute référence à ce texte, merci de préciser : Laurent Dingli, “Entretien filmé avec Paul-Henri Détrie du 7 février 2012”, louisrenault.com, février 2012

Dernière mise à jour : 6 avril 2012

 

Entretien filmé avec Roger Lézy – (3 sur 3), 8 février 2012

Carte d'identité de Roger Lézy et ci-contre, son père, Marcel, employé aux usines Renault de 1930 à 1964 © Famille Lézy - Droits réservés

Carte d’identité de Roger Lézy © Famille Lézy – Droits réservés

et ci-contre, son père, Marcel, employé aux usines Renault de 1930 à 1964 © Famille Lézy - Droits réservés

Marcel Lézy, employé aux usines Renault de 1930 à 1964 © Famille Lézy – Droits réservés

Le témoignage filmé de Roger Lézy, ancien de Renault (1951-1991) sur l’histoire de l’entreprise automobile pendant la guerre et l’immédiat après-guerre est captivant, non seulement en raison des sujets traités mais aussi parce que Roger Lézy, personnage jovial, à la gouaille de titi parisien, possède un talent de conteur. Cette première partie évoque son histoire familiale, celle de son père, entré chez Renault en 1929 ou 1930, employé dans le service administratif du résistant Robert de Longcamp pendant l’Occupation ; sa propre carrière alors qu’il intègre l’usine comme simple ouvrier ; puis la sécurité sur les machines et les accidents du travail dus au manque de précaution des utilisateurs, parfois à la vétusté du matériel, mais aussi à l’intensification des cadences dont la direction (Louis Renault puis les différents P-DG de la Régie nationale) sont responsables. En parcourant les Notices biographiques Renault, on est frappé par le nombre d’accidents mortels survenus au cours de l’après-guerre, d’autant plus qu’ils ne touchent pas de jeunes recrues inexpérimentées, mais souvent des ouvriers habitués au fonctionnement des machines. Le surmenage dû aux privations de cette période est une explication plausible parmi toutes celles que nous avons citées.


Histoire Renault – Entretien avec Roger Lézy… par Boulogne-Billancourt

Entretien avec Roger Lézy – Première partie

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De gauche à droite, Jacques et Roger Lézy au camp de vacance de Saint-Pierre-lès-Nemours, en 1942 © Famille Lézy – Droits réservés

La seconde partie du témoignage de Roger Lézy évoque l’exode de juin 1940. C’est en bon ordre, sous la direction principale de François Lehideux et de René de Peyrecave qu’a été évacué le personnel des usines Renault, sur ordre du commandant de la place de Paris. Devant l’avancée foudroyante des troupes allemandes, le général Hering avait en effet déclaré la capitale, ville ouverte, le 13 juin 1940, alors que Louis Renault était parti en mission aux Etats-Unis afin d’y accélérer la production de chars pour l’armée française.

Roger Lézy nous raconte avec verve cet exode effectué depuis Billancourt jusqu’à Angoulême puis Bordeaux, à pied, en charrette, en camion et en train.

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Billet de train du 16 juin 1940 © Famille Lézy – Droits réservés

Le père de Roger Lézy, Marcel, avait été affecté aux chantiers navals de Saint-Nazaire, afin, pensait-on encore, d’y poursuivre la lutte contre l’Allemagne nazie. Bien qu’il corresponde aux souvenirs d’un enfant, le témoignage de Roger Lézy a beaucoup de valeur dans la mesure où il restitue de manière toujours très vivante la vie sous l’Occupation : le camp de Saint-Pierre-lès-Nemours (Seine-et-Marne), mis en place par Renault pour accueillir les enfants du personnel, les occuper, les loger et les nourrir tant bien que mal dans une période de grande privation ; les bombardements, dont celui du 3 mars 1942, auquel le jeune Roger et sa famille purent survivre grâce aux réflexes du père, Marcel, un roubaisien qui avait connu la dureté de l’occupation allemande pendant la Grande Guerre, mais aussi grâce à la solidité de leur logement, un immeuble en béton armé construit par Renault qui servait d’abri antiaérien à l’ensemble du quartier.


Histoire Renault – Entretien avec Roger Lézy… par Boulogne-Billancourt

Entretien avec Roger Lézy – Deuxième partie

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Camp de vacances Renault à Saint-Pierre-lès-Nemours © Famille Lézy

Dans la troisième partie Roger Lézy aborde plus particulièrement son séjour au camp de vacances Renault de Saint-Pierre-lès-Nemours en 1942 et 1943, l’avantage de pouvoir s’y nourrir correctement à une époque où topinambours, rutabagas et “café” constitué de glands moulus constituaient l’ordinaire. Il évoque, entre autres, la présence de Bernard Vernier-Palliez, futur P-DG des usines Renault, au camp de Saint-Pierre-lès-Nemours, puis un tout autre sujet, la concentration et la diversification des fabrications de l’entreprise. Roger Lézy a tenu a résumer quelques traits qui, selon lui, incarne l’esprit Renault, reprenant le très beau titre de l’opuscule du regretté Louis Buty, “Le coeur en losange“. Ce sont enfin différentes anecdotes concernant la Libération, l’arrivée de la 2ème DB, les combats au Pont-de-Sèvres, l’apparition du combattant Jean Gabin…


Histoire Renault – Entretien avec Roger Lézy… par Boulogne-Billancourt

Entretien avec Roger Lézy – Troisième et dernière partie