Monsieur le Ministre,
Je me permets de vous écrire aujourd’hui car je suis horrifié par le sort qui est encore réservé au Laos à une partie de la minorité hmong. Comme beaucoup d’Européens, j’ai beaucoup d’admiration pour vous et pour tous les combats difficiles que vous avez menés au cours de votre vie. Je sais que je ne vous apprends rien sur la question que j’évoque avec beaucoup de tristesse aujourd’hui. Les images de ce peuple abandonné dans la forêt, pourchassé et systématiquement exterminé par les armées vietnamienne et laotienne est absolument insupportable. Le reportage très courageux, effectué au péril de sa vie, par Grégoire Deniau et son équipe – reportage récemment diffusé sur France 2 – laisse encore une fois mesurer l’horreur que vit cette minorité oubliée qui meurt presque dans l’indifférence générale.
Le 21 février dernier, M. Ket Kiettisack, vice-ministre de la Justice de la République populaire lao a déposé aux Nations Unies un rapport sur les mesures prises par son pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales. Inutile de vous dire que ce document s’inscrit dans la longue liste des mensonges d’Etat proférés par les dictatures d’inspiration communiste ou autre, et qu’il s’applique à nier consciencieusement les faits.
Il y a quelque temps, un garçon de quatorze ans a encore été tué d’une balle dans la tête. D’autres rescapés hmongs, qui tombent aux mains des forces laotiennes, sont torturés et abattus sommairement. Une centaine de survivants récemment sortis de la forêt, ont été ainsi arrêtés et n’ont plus donné aucun signe de vie. M. Nourredine Amir, rapporteur du Comité des Nations Unis, signale que «des allégations d’actes de tortures, de traitements dégradants, de conditions d’emprisonnement, d’arrestations d’hommes politiques, d’intolérance religieuse », lui ont été signalées. «C’est le cas pour l’arrestation d’étudiants, la liberté d’expression contrôlée, les arrestations arbitraires de citoyens ayant soutenu le mouvement du 26 octobre, l’arrestation et l’interrogatoire intensif de dirigeants de l’Église, l’imposition faite à des croyants de signer une déclaration de renoncement à leur foi religieuse, le déplacement de centaines de milliers de montagnards à l’intérieur du Laos ou en Thaïlande, des dizaines de réfugiés hmongs dans le monde, des détentions dans des camps de rééducation de cette même minorité», a encore précisé M. Amir (CERD/C/Add.4).
Le Laos, vous le savez, est l’un des pays les moins avancés au monde, pour reprendre l’euphémisme consacré (PMA). Si les discriminations touchent l’ensemble des minorités de ce pays (Phu Thaï, Khmu, Akha, Lattu, etc.), dans les faits, les représentants de la minorité hmong, qui a eu le malheur de combattre avec les Français puis pour la CIA pendant la guerre du Viet-Nam, sont littéralement massacrés. En d’autres termes, ces hommes, ces femmes et ces enfants subissent les conséquences d’un engagement, vieux de plus de trente ans, dont la plupart ne sont même pas responsables. Je suis historien mais je ne veux pas entrer ici dans des considérations historiques et politiques. Etant donné le caractère d’urgence de la situation, ce type de considérations relèveraient de l’indécence. Devant la souffrance d’une population, on ne cherche évidemment pas à savoir si elle est de droite ou de gauche, chrétienne, animiste ou musulmane, majoritaire ou minoritaire.
Aujourd’hui, les survivants nous lancent un appel, le dernier sans doute avant leur totale disparition. Il dépend encore de nous de l’entendre. Nous avons trop en mémoire les supplications vaines et déchirantes adressées par les bosniaques de Sebrenica, les Tutsi du Rwanda, ou le peuple tchétchène, pour rester, cette fois encore, dans l’inaction.
Je vous remercie à l’avance, Monsieur le Ministre, de me répondre afin d’envisager toutes les mesures que nous pourrions collectivement prendre afin de faire cesser cette abomination. Je ne m’illusionne pas bien entendu sur l’efficacité qu’une protestation individuelle pourrait avoir sur le gouvernement lao. En revanche ce pays qui, tout en restant communiste, profite du flux croissant des touristes occidentaux, ne serait peut-être pas insensible à une démarche organisée sous l’égide de différents responsables européens. Je soumets humblement cette éventualité à votre expérience et, en attendant votre réponse,
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération.
P.S. : j’envoie des copies de cette lettre ou des courriers similaires à différentes institutions ou personnalités sensibles aux questions des minorités.
Aucune réponse.
Voici, en revanche, celle de M. Elmar Brok, n°311303, du 24/8/2005
Comission des Affaires étrangères Ref. D(2005)38776.
Monsieur,
Dans votre lettre du 23 juin dernier, vous avez évoqué la situation des droits de l’homme au Laos, et plus particulièrement le sort de la minorité hmong. Vous pouvez être sûr que le Parlement européen partage votre préoccupation, exprimée dans plusieurs résolutions concernant la situation au Laos et la persécution de la minorité hmong.
De plus, lundi 12 septembre à 15 heures aura lieu, au sein de la sous-commission des droits de l’homme, une audition sur la situation dans les pays de la région (Laos, Cambodge et Vietnam), dont une partie sera consacrée à la minorité hmong. Cette audition sera certainement suivie de différentes actions. Si vous avez la possibilité d’y assister, vous y êtes, naturellement, le bienvenu.
En vous remerciant de votre intérêt, veuillez croire, Monsieur, à l’assurance de ma considération distinguée.