A celui qui disait : “C’est avec des mots qu’on conduit les sots et les ignorants”, on ne saurait répondre par trop de mots, surtout lorsque l’on songe de quelle encre sanglante ceux-ci furent tracés. Convoquer une nouvelle fois au tribunal de l’Histoire celui qui transforma les rouages de l’Etat et de la société en machine à juger et à condamner, ce n’est que justice. Il ne faut pas succomber à la tentation de “tirer le voile” sur tant d’horreurs comme lui même se plaisait à le faire pour déculpabiliser le peuple de ses excès. Point de “révisionnisme” donc dans cette volumineuse biographie de Robespierre qui rend à Brutus ce qui lui revient : une totale cohérence, un bloc de certitudes et de mépris, un génie de la gestion de l’excitation populaire et un obsédé du complot. L’auteur cerne au plus près, à travers ses discours et les témoignages de ses contemporains, cette mécanique mentale. Mais Robespierre ne fit rien tout seul. “Qui de nous l’a jamais vu en action ?” s’exclame Roederer en août 1794. C’est l’un des aspects les plus intéressants de cet ouvrage que de réinsérer la terrifiante singularité d’un des plus grands criminels de l’Histoire dans les angoisses, les espoirs et les contradictions d’un monde qui crut se sauver dans ses convulsions.