Gezia, notre avenir

vocation_natureJe voudrais vous présenter une jeune fille qui a l’âge d’être ma fille. Elle s’appelle Gezia. Je ne l’ai encore jamais vue, si ce n’est en photo, mais j’ai le sentiment de la connaître, parce qu’elle m’a fait partagé ses espoirs, ses déceptions, sa foi, et quelques-unes de ses douleurs. Comme ma fille, Gezia représente mon avenir, je veux dire le nôtre, celui d’une jeunesse qui, avec ses faibles moyens, mais riche d’enthousiasme, lutte pour préserver la diversité de notre planète. Gezia Dirini est une jeune indonésienne qui travaille pour l’association Kalaweit, créée par Aurélien Brulé, dit Chanee, en vue de protéger les gibbons et les siamangs de Sumatra et de Bornéo.

Aurélien, le fondateur, est un défenseur de la biodiversité, un vrai, pas un de ses bavards, de ses poseurs qui passent plus de temps devant les caméras et dans leur hélicoptère pour garnir leur compte en banque ou flatter leur narcissisme. Chanee est constamment sur le terrain, il y vit, il y consacre tout, c’est un apostolat, un don de soi total. Depuis quelque temps, son blog permet de suivre, vidéo à l’appui, l’action qu’il mène au quotidien dans la forêt – on y apprend mille choses ; on partage de loin sa curiosité, ses inquiétudes ; on tremble même pour lui lorsqu’on le voit pister des braconniers. Mais Aurélien est de la trempe d’une Dian Fossey, d’une Jane Goodall ; ces hommes et ces femmes ne vivent pas les choses à moitié. Il faut écouter ce qu’ils se tuent à nous dire depuis tant d’années déjà, pour les plus anciens d’entre eux. Ils nous répètent sans cesse, avec une lucidité terrible pourtant matinée d’optimisme, que ce monde est à la fois beau et fragile, qu’il faut arrêter de le piétiner, d’en faire un espace mort, sans arbre, sans bruissement, sans couleur, sans différences ; ceux-là nous disent et nous redisent que des euros, des yens, des dollars, de l’huile de palme, des meubles de jardin, de la viande de brousse ou du papier, couvrent déjà des monceaux de cadavres et détruisent nos véritables richesses. Les listes d’espèces menacées, ou qui ont déjà disparu, s’allongent, se claironnent, s’égrènent comme une litanie sordide, et nous faisons régulièrement semblant de nous en désoler, le temps d’un journal télévisé, d’une rubrique internet, d’un brève trop rapidement ingurgitée, entre deux mauvaises nouvelles, parce que nous n’avons plus le temps ni le goût de jauger constamment le désastre, parce qu’il est vrai, souvent, la vie est difficile.

siamang_shout_sunekoCi-contre : “Shout”, “Cri” – siamang © Suneko

Mais eux, les femmes et les hommes d’action comme Chanee n’ont pas le temps de désespérer, parce qu’ils agissent, parce qu’ils ne veulent pas être obligés de se dire un jour qu’ils n’auront pas tout tenté pour contribuer à préserver un peu de sa beauté. Ils ne se prennent jamais pour des sauveurs de monde, ce ne sont pas des illuminés, des porte-voix de l’Apocalypse, juste des individus qui essaient de donner un sens à leur existence en l’inscrivant dans une certaine harmonie du vivant.kalaweit_1

Dominée par l’aura de Chanee, Kalaweit est aussi et avant tout une oeuvre collective. Elle bénéficie de talents et de soutiens, depuis ceux des donateurs ou des éco-volontaires qui participent au programme, en passant par les organisateurs comme Thierry Destenay, coordinateur France, sans oublier les soutiens indéfectibles, tel celui de la comédienne Muriel Robin ou de l’association One Voice, présidée par Muriel Arnal qui consacre un effort substantiel pour porter le projet Kalaweit.

Et c’est dans cette aventure formidable mais aussi souvent difficile que s’est engagée Gezia. Ceux qui veulent aider Kalaweit ont la possibilité de parrainer l’un des singes recueillis par l’association. C’est ainsi que mon épouse et moi avons connu la jeune femme. En plus de toutes ses occupations, Gezia apprend le français (et le japonais) afin de pouvoir faire ses compte-rendu et nous donner, le plus régulièrement possible, des nouvelles des pensionnaires de Kalaweit. Voici donc quelques extraits de ses courriers. Ils sont toujours plein d’humanité. J’espère qu’ils vous donneront envie de participer à cette grande aventure.

one_voice7© Kalaweit et logo One Voice

Dans son premier message, Gezia se présente ainsi :

« Je m’appelle Gezia Dirini (prononcer: Gaizya), je suis une femme et j’ai 24 ans, je fait la gestion de programme d’adoption de Kalaweit International Adoption Programme (KIAP) Sumatra. Je fais des observation et donner la nouvelle, le progres, et envoyer les photos des Siamangs ou Gibbons pour vous. Je suis indonésienne et j’habite a Padang. Sur la belle île de Marak je m’occupe des Gibbons et Siamangs ainsi que des tortues surtout qu’il y a beaucoup d’activités la-bas. On nourrit, nettoie les cages, surveille la foret et ecoute les chants.

Je vous écris de la part Thierry Destenay, qui m’aide beaucoup car mon français n’est pas encore parfait (mais je vais et dois apprendre serieusement) (…) »

Dans un autre courrier, plus personnel, l’observation de l’attitude des singes envers leur progéniture donne lieu à une touchante comparaison avec le comportement de nos congénères. Au-delà de cette analogie, c’est, en filigrane, toute la question de l’identification, du respect de la différence, que pose Gezia, avec ses mots et sa candeur :

« Je pense et je vois, qu’il y a beaucoup de parents (humain) qui font le mal pour leur enfants. Heureusement pas mes parents. Les Siamangs et Gibbons aiment beaucoup leur enfants. Ils sont animaux. Mais l’human chasse leur bébé et tuer leur grand. Il y a beaucoup aussi les gens qui jette leur enfants parce qu’ils sont occuper avec leur travail et les enfants a devenu criminel. Ou les enfant qui jettent leur parents à l’hospice de vieillards pour la même raison comme mon voisin. Mais c’est la vie ».

C’est le récit d’une jeune femme qui apprécie le plaisir simple de vivre dans la nature, et qui comprend le caractère exceptionnel de son environnement. Gezia nous fait alors partager d’autres moments de sa vie, la célébration du Ramadan, les séismes qui frappent l’archipel et toujours l’apaisement que lui procure le spectacle de la nature. Ces courriers sont plein d’humour et de profondeur. Je pourrais en citer bien des extraits, notamment celui où elle confie la douleur que lui a procuré la mort d’un animal, lorsqu’elle évoque l’amitié qu’elle noue avec les éco-volontaires ou encore le respect que ses parents lui enseignent pour les morts, mais je me contente de publier un dernier texte, particulièrement émouvant, dans lequel on voit la jeune femme affronter l’incompréhension de son entourage. Elle tient pourtant le cap, elle sait qu’elle a raison. A vingt-cinq ans, quelle leçon !

« Hier, dans la reunion de mon école, j’ai rencotré mes vieux amis et ils se moquent de moi. Ils ont dit que mon « travail » n’est pas normal, parce que je travaille avec les singes et c’est bizarre (comme ma famille m’a dit mille fois aussi).

Je suis très triste de mes amis, mais aussi fier sur mon activité avec Kalaweit.

J’ai essayé de leur expliquer que le gibbon et siamang, aussi beaucoup d’autre éspace des animaux du monde sont vraiment menacer, aussi la forêt et la nature.

Mais ils disent que personne se soucier et ils ne besoin pas de se soucier. Ils pensent que je suis stupide car j’ai jeté mon temps avec Kalaweit.

Que je suis idiote si je pense je peux sauver le monde.

Ils disent aussi que je dois chercher le travail dans une banque ou une grande association comme eux et avoir beaucoup d’argent d’avoir « un travail normale ».

C’est vraiment casser mon coeur.

Je prie que je peux leur faire comprendre que notre forêt est perdu 1.5 million hectare per an et que au moins 5000 siamangs sont mort car le gens les chasses ou ils ont perdu leur maison, la forêt.

Que les siamangs et gibbons sont nés sur île de Marak.

Mais expliquer cette chose, est comme « peindre sur l’eau ». Qu-est que je dois faire ?

Si jamais j’ai pourrais leur montre votre lettre que. J’ai une amie loin de chez moi qui me soutien.

Merci pour vous, merci pour votre soutien.

Je prie que notre future sera mieux et les gens seront s’attentif pour notre environnement.

Bien amicalement avec tout mon bonheur

Je t’embrasse bien fort

Gezia”

Pour toute référence à ce texte, merci de préciser : Laurent Dingli, “Gezia, notre avenir”, Le site de Laurent Dingli, juin 2008.

Dimanche 8 juin 2008. Dernière mise à jour : 9 juin 2008