Deux nouvelles ont particulièrement attiré mon attention ces jours-ci :
“Biocarburants” : une menace pour l’alimentation
La première est la déclaration faite par Peter Brabeck, le PDG du groupe Nestlé. Dans une interview accordée au journal NZZ am Sonntag, il a ainsi averti que le recours accru aux matières premières alimentaires pour la production de biocarburants mettait en péril l’approvisionnement de la population mondiale. “Si l’on veut couvrir 20% du besoin croissant en produits pétroliers avec des biocarburants, comme cela est prévu, ajoute M. Brabeck, il n’y aura plus rien à manger”. Les constat est limpide. “Accorder d’énormes subventions pour les produire est inacceptable moralement et irresponsable”, a encore remarqué le dirigeant du groupe suisse, estimant que les millions de tonnes de maïs consacrées aux biocarburants sont autant de denrées en moins pour le secteur alimentaire. Cette exploitation entraîne la hausse du prix du maïs, du soja et du blé, alors que les terres cultivables et les réserves d’eau se raréfient de manière alarmante. Peter Brabeck a ainsi rappelé que pour produire un litre de bioéthanol, 4.000 litres d’eau sont nécessaires.
Depuis bien longtemps, les écologistes attirent l’attention du public sur les conséquences néfastes de la production intensive d’agrocarburants de première génération, tant sur l’approvisionnement alimentaire de la population mondiale que sur le climat. Si la déclaration de M. Brabeck ne nous apprend rien, elle n’en est pas moins utile dans la mesure où elle contribue à la prise de conscience de la communauté internationale. On peut toutefois s’interroger sur la sincérité d’un tel discours, lorsqu’on sait que des multinationales comme Unilever, Nestlé ou Procter & Gamble, sont responsables de l’augmentation effrénée de la demande en huile de palme pour les secteurs de l’alimentation, des cosmétiques et des biocarburants. En d’autres termes, ces sociétés contribuent largement à la déforestation, c’est-à-dire à l’une des causes majeures du dérèglement climatique et de la destruction des écosystèmes. Je rappelle que la forêt primaire abrite près de 80 % de la biodiversité des terres émergées de la planète et qu’elle continue d’être surexploitée au Brésil, en Indonésie ou dans le Bassin du Congo.
Les agrocarburants de seconde ou de troisième génération constitueront probablement une solution pour lutter contre les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Mais, la encore, nous sommes pris par le temps. La rapidité et l’ampleur des destructions nécessitent le ralentissement et, à terme, l’arrêt de productions essentiellement spéculatives qui, loin d’enrayer le réchauffement climatique, ne font au contraire que l’accentuer.
Protection de la forêt du Congo
La seconde information concerne la protection de la forêt du Congo. Dans le cadre de la Journée mondiale des forêts, célébrée le 21 mars dernier, M. Jossépé Topa, forestier principal pour la gestion Afrique de la Banque mondiale, a annoncé que l’institution financera la préservation des forêts congolaises d’ici la fin de l’année 2008. Ces forêts, a-t-il rappelé constituent la deuxième réserve de biodiversité après l’Amazonie et servent d’habitat aux populations autochtones. Or elles sont surexploitées. “(la Banque mondiale) va faire en sorte que les forêts congolaises soient soustraites à l’arbitre (sic) individuel des personnes, des sociétés, des clans, ou d’autres intérêts particuliers (…) De façon simple, nous allons mettre à disposition des financements accessibles directement aux populations pour intensifier l’agriculture, améliorer la disponibilité d’eau potable dans les villages…(et) protéger les forêts, en les exploitant pour des buts économiques et de conservation. ” (1).
Cette déclaration de bonne intention sera-t-elle suivie d’effet ? Seule une politique volontariste, soutenue par des réformes profondes et des moyens substantiels permettra de passer d’une économie fondée sur le pillage des ressources à une exploitation respectueuse de l’environnement. Jusqu’à présent, nous le savons, les fonds de la Banque mondiale ont été ouvertement détournés en RDC et la corruption à grande échelle y est un secret de polichinelle. Un observateur du monde économique remarquait ainsi en novembre 2007, lors du passage à Kinshasa de l’ancien président de la Banque mondial (qui sera démissioné le mois suivant pour népotisme) : « Paul Wolfowitz a promis de visiter un centre de réhabilitation d’anciens soldats. Ira-t-il faire un tour du côté de l’avenue de l’Université, dont la réfection nous a coûté un million de dollars du kilomètre et qui est aujourd’hui redevenue impraticable ? ».(2).
Autre nouvelle engageante. Les Etats-Unis ont décidé de consacrer 30 millions de dollars à la protection de la biodiversité et du développement du tourisme dans la forêt d’Epulu, en Ituri, dans la province orientale. “En visite officielle en République démocratique du Congo, l’administrateur de l’Agence américaine de développement (USAID), Marie Henrietta Holsman Fore a confirmé le financement de ce programme. ” Nous nous engageons à créer des opportunités d’affaires et à promouvoir la protection de la biodiversité et la promotion du tourisme dans la région d’Epulu qui fait partie de la grande forêt du Bassin du Congo “, a -t-elle déclaré.
“Elle a souligné que pour l’année 2008 en cours, l’assistance des Etats-Unis en République démocratique du Congo va dépasser le montant de 100 millions de dollars américains. Cet argent sera orienté vers les secteurs de l’éducation, de la santé, de la lutte contre le vih/sida et de la protection de l’environnement (…) » (3).
La forêt d’Epulu, où vivent les pygmées nomades Mbuti et des fermiers bantous, est le refuge des okapis, une espèce endémique de la RDC. “En 1996, leur nombre était estimé entre 3 900 et 6 350, sur une population totale de 10 000 à 20 000 individus”. La réserve à faune d’Epulu est également “le sanctuaire de nombreuses autres espèces animales exotiques tels les éléphants de forêt, les cobs, le paon du Congo et 13 espèces de primates anthropoïdes diurnes”. Elle abrite enfin le Centre de conservation et de recherche d’Epulu, fondé en 1928 par l’anthropologue américain, Patrick Putnam, comme station de capture pour les zoos américains et européens.
Or ce biotope, à la fois riche et fragile, est particulièrement menacé : “La réserve de la faune à okapis figure sur la liste du Patrimoine mondial en danger. La plus (grande) menace encourue est celle de la déforestation, causée par des sociétés agroforestières et par l’agriculture sur brûlis, ainsi que la chasse pour la vente de viande de gibier. L’autre danger qui touche la réserve c’est l’exploitation de l’or qui détruit l’environnement.
“En effet, alors que les pygmées Mbuti et les peuples bantous respectent la forêt et la faune sauvage, les immigrants, eux n’ont pas cette culture et se livrent sans ménagement à la destruction abusive de la forêt. L’absence de l’autorité de l’Etat durant plusieurs années dans cette partie du pays a également fait augmenter le braconnage et la destruction de la forêt” .
(1). Radio Okapi, 21 mars 2008.
(2). Voir l’article du Figaro de novembre 2007.
(3). Luc-Roger Mbala Bemba, L’Observateur, 21 mars 2008, qui reprend lui-même le texte de l’encyclopédie Wikipédia pour ce qui concerne la réserve d’Epulu.
Lundi 24 mars 2008