L’Actualité de L’Histoire, janvier 2005, par G. les B.

Robespierre

Fils d’avocat au Conseil d’Artois, Robespierre devient avocat lui-même dans sa ville d’Arras. Elu par le Tiers Etat de l’Artois aux Etats Généraux, il commence une carrière politique. Il s’impose à la Constituante par sa force de persuasion au travers de ses multiples discours. Il devient le principal animateur du Club des Jacobins. Parce qu’intransigeant, on le surnomme « l’Incorruptible ». Il devient – ce qui marquera la conscience populaire et brouillera son image par ailleurs -, « Accusateur public jusqu’en avril 1792. Le 5 septembre, il est élu à la tête de la députation parisienne, à la Convention. Accusé de dérive dictatoriale, Robespierre se défend aux côtés de Danton et de Marat et devient l’un des leaders de la Montagne. A l’occasion du procès de Louis XVI, il conserve son « incorruptibilité » et vote la mort sans sursis, ni appel : « La clémence qui compose avec la tyrannie est barbare ». IL s’attaque ensuite aux Girondins et devient en juin 1793 leur principal accusateur. IL gagne et entre au Comité de Salut Public. Son travail d’élimination se poursuit. Après les Girondins, il écarte, avec Danton à ses côtés, les Hébertistes. Danton, populaire également, se retourne contre lui et les « indulgents ». Danton est guillotiné. Robespierre assoit son pouvoir en instituant le régime de la Terreur. D’un point de vue spirituel, en faisant reconnaître l’Etre suprême par la Convention, il insiste sur sa conception de l’homme et sa place dans la société. Ses ennemis sont de plus en plus nombreux.

Le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) Robespierre et ses partisans sont déchus, et malgré une tentative insurrectionnelle de la Commune de Paris, ils seront exécutés le lendemain. Devant cette vie contrastée se pose une question: qui est Robespierre ? Laurent Dingli, historien, auteur de biographies, livre ici une étude très fouillée et passionnante sur ce petit marquis poudré, mélange d’archaïsmes, de modernité et de capacités visionnaires. L’auteur, à travers la vie de Robespierre, nous entraîne dans la folie de Paris la Révolutionnaire, dans les convulsions agonisantes d’un régime et dans les convulsions vagissantes d’une idée républicaine en train de naître. Alors, mauvais génie, bouc-émissaire des modérés, dictateur, tortionnaire, idéologue, intransigeant, parangon de l’homme politique incorruptible, psychotique, paranoïaque, nouveau père symbolique de la Nation. ? C’est à toutes ces hypothèses que répond Laurent Dingly (sic) avec précision et passion.

Laurent Dinglis (sic) s’appuie sur des sources multiples et fouillées (53 pages de références). Il prend parti et n’hésite pas à faire reposer son argumentation sur la thèse magistrale de Tocqueville dans l’Ancien Régime et la Révolution. C’est-à-dire que l’Ancien Régime était porteur de réformes profondes que la France aurait dû laisser s’accomplir. Le prix de la Révolution est d’avoir fait échouer ces réformes. Mais le « plus » du livre de Dingli est ailleurs, il réside dans l’analyse de la démocratie totalitaire décrite par Jacob Talmon. Il montre le caractère binaire de Robespierre inventeur de l’hydre politique à deux têtes. : les bons et les méchants, dont la version sociale est les riches et les pauvres. Il est l’inventeur de la lutte des classes. Il démonte ensuite sa conception paranoïde du rapport politique. . Le rapport de force, le complot, le mensonge politique au service d’une idée suprême devenant le moteur de l’histoire.

Robespierre, homme sincère, vaniteux et courageux suscita et mit en place une monstruosité politique. Mais l’auteur de s’arrêter également sur le caractère plus intime de l’homme, sur son rapport avec les femmes par exemple. Dans ses poèmes, de faibles qualité Dingli note « malgré les formules mièvres et douceâtres dont il abuse, il ne semble pas considérer ses interlocutrices comme un objet de désir mais plutôt comme le reflet de sa propre vanité, un faire valoir, un simple marchepied susceptible de le conduire vers la gloire. »