Colbert, marquis de Seignelay, préface de Jean Meyer, Paris, Perrin, 1997, 393 p.
– Prix Amiral Frémy
Contrastant avec l’ascension progressive et tenace de Colbert, la précoce, fulgurante et brève carrière de son fils aîné, Jean-Baptiste, marquis de Seignelay (1651-1690) a fasciné ses contemporains. Selon Voltaire, son “génie était encore plus vaste que celui de son père”. Il a suscité l’admiration ou l’envie des courtisans, jamais leur indifférence. Seignelay est pourtant absent de la mémoire collective tant la notoriété de son père est écrasante. Cette première biographie révélera au public la diversité de son oeuvre. Elève surdoué qui, à seize ans, provoque la jalousie de Louis XIV, il commence à vingt ans à réformer la Royale et son père l’initie à toutes ses charges. A trente-deux ans, il est secrétaire d’Etat à la Marine (ce qui inclut le gouvernement du littoral, le commerce extérieur et les colonies) et secrétaire d’Etat à la Maison du Roi. A ce dernier titre, il est en charge de tout ce qui concerne Paris et l’Île-de-France, les affaires religieuses, l’administration de la Cour, des cérémonies, des résidences royales, l’octroi des charges, des pensions et des emplois ; il est en outre gérant du décorum louisquatorzien et de l’éclat personnel du roi, d’où une intimité quotidienne avec celui-ci. Etudier Seignelay, c’est évoquer la réorganisation de la Royale, le développement des Antilles et le commerce des Indes ; la sécurité, la police et les moeurs à Paris ; la politique à l’égard des protestants à l’heure de la Révocation ; c’est débarquer avec les marchands, les officiers et les Jésuites dans le royaume de Siam ; c’est étudier une page du Grand Siècle avec ses grandeurs et ses petitesses, ses Jean Bart et ses Galériens. Marquis de fraîche date remarié à une cousine de Louis XIV, il est jalousé mais courtisé car de ses bonnes grâces dépendent les libéralités du roi. Ami de Racine et de La Fontaine, Seignelay est un personnage flamboyant, tout en étant un travailleur acharné. En 1690, quelques mois avant sa mort, à trente-neuf ans, pour la première fois de notre histoire, l’armée navale du roi parvient à vaincre une flotte anglaise et hollandaise la plus puissante du temps. C’est la victoire de l’étonnant marquis.
Cher Monsieur,
Votre lettre et votre manuscrit me rejoignent au Sénat, ma seule adresse postale à Paris ; je suis confus et comblé.
Confus, parce que je ne mérite pas un tel honneur, mes travaux historiques sur le XVIIème siècle s'arrêtaient à la mort de Mazarin, donc à la jeunesse du père de "votre" Colbert.
Comblé, parce que mon meilleur ami est Jacques de Bourbon-Busset, dont la mère est née Colbert. Bien souvent, nous nous sommes posé, à propos de Seignelay, des questions auxquelles vous répondez avec une objectivité exemplaire.
Mon confrère et ami d'enfance a-t-il reçu votre excellent ouvrage ? Dois-je le lui envoyer ou vous le renvoyer ?
Toutes mes félicitations !
Toute ma sympathie !
Maurice Schumann
(Cette lettre datée du 8 août 1997 a été republiée sur ce nouveau blog)
Monsieur
Je n'ai malheureusement reçu que le 15 septembre votre thèse de doctorat sur Colbert de Seignelay. Avant de me parvenir, elle avait été adressée au Conseil d'Etat (Palais Royal), à l'hôtel Matignon, sans doute en ma qualité de Président du Haut Conseil à l'intégration jusqu'au mois d'avril, puis à mon adresse de vacances à Aix-en-Provence, et elle ne m'est finalement parvenue à mon adresse actuelle (…) que l'undi 15 septembre.
Je la lis avec le plus grand plaisir et la plus grande attention et, en suis arrivé au chapitre 4 "Les protestants sous le joug". Pour les chapitres que j'ai déjà lus, j'ai appris énormément sur ce qu'était l'organisation du gouvernement sous Louis XIV, sur la vie de la Cour et du Royaume, sur Colbert, sur Louvois, sur Vauban, sur le Paris de l'époque et je ne doute pas apprendre encore tout autant sur les protestants, au moment de la révocation de l'Edit de Nantes, et sur les conditions dans lesquelles la révocation fut décidée.
Pour votre personnage principal, Colbert de Seignelay, vous nous donnez conscience de ce qu'il était, avec ses dons, ses qualités et ses défauts.
L'éducation de ce "surdoué" par son père, nous en apprend beaucoup sur le père et sur le fils : comment le "Colbertide" – puisque c'est votre expression – aurait-il pu échapper à une certaine arrogance, à un certain mépris de tout ce qui l'entourait ? Il n'était certainement pas facile d'être le fils du grand Colbert, et je pense à vous lire, que l'histoire lui eût mieux rendu justice et l'eût classé sans hésitation parmi les grands ministres, s'il n'avait pas été "le fils de son père".
Je vous adresse, dès aujourd'hui cette lettre, puisque la biographie doit paraître le 2 octobre, mais je continue à lire avec le même soin la bonne centaine de pages qu'il me reste et, auxquelles je porterai un intérêt particulier, car je viens, à l'occasion de commémorations diverses, et notamment, de celle de Clovis, d'étudier de plus près les rapports de l'Eglise et de l'Etat : la Réforme, Henri IV et l'Edit de Nantes, la révocation de l'Edit, marquent des phases importantes dans l'évolution de ces rapports.
En vous présentant mes félicitations pour cette biographie d'un grand Ministre, qui n'est pas assez connu, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.
Marceau Long
(Cette lettre datée du 22 septembre 1997 a été republiée sur ce nouveau blog)