Archives de catégorie : Textes choisis

Alex Hershaft, co-fondateur du Farm Animal Rights Movement sur le lien entre Shoah et condition animale

© Jeff Fleiss – Wikimedia

“J’ai passé mon enfance dans le ghetto de Varsovie, où la quasi totalité de ma famille a péri, massacrée par les Nazis, en même temps que 350 000 autres Juifs polonais.
Les gens me demandent parfois si cette expérience génocidaire a quelque chose à voir avec mon travail pour les Animaux. Je réponds que oui. Mon histoire, mon expérience du massacre des Juifs ont eu tout à voir avec mon travail pour les Animaux.
“Plus jamais ça”. C’était, pour nous, un acte de foi. Un acte de foi de croire que notre sacrifice ne serait pas vain, que le monde serait tellement choqué par ce que l’on nous avait fait qu’il ne permettrait jamais que de telles atrocités soient à nouveau commises, se reproduisent un jour.
En 1975, lorsque j’ai émigré aux Etats-Unis, j’ai visité un abattoir. J’y ai vu des Animaux terrorisés, maltraités, soumis à d’atroces, d’horribles conditions de détention, tandis qu’ils attendaient leur mort. Tout comme les membres de ma famille assassinée dans le camp d’extermination de Treblinka. J’ai vu la même routine, la même routine de tuerie, efficace et impassible, la même qu’à Treblinka. J’ai vu des tas de coeurs, de sabots, d’entrailles, de “déchets” animaux, toutes les parties du corps “inexploitables”, soigneusement empilées, comme les tas de cheveux, de lunettes, de chaussures des Juifs, dans les camps.
Je me souviens de cette citation du célèbre écrivain yiddish Isaac B. Singer : “Pour les Animaux, tous les humains sont des Nazis. Et leur vie est un éternel Treblinka.” Et j’ai compris. Je me suis dit : “Plus jamais ça”. “Plus jamais ça” signifie ne plus JAMAIS commettre de telles violences, de telles infamies, massives, à l’égard d’autres êtres vivants. “Plus jamais ça” signifie ne plus JAMAIS élever les Animaux pour se nourrir ou pour n’importe quelle autre forme d’exploitation. C’est à ce moment-là, précis, que je suis devenu activiste pour le droit des Animaux.”

Alex Hershaft, co-fondateur et président de l'”ASBL Farm Animal Rights Movement” (USA)

Je remercie Nouchka Galili de m’avoir fait découvrir ce texte

Martin Gray, La vie renaîtra de la nuit

Je voulais faire partager ce passage extrait de La vie renaîtra de la nuit que Martin Gray, rescapé de la Shoah, a écrit après la disparition tragique de toute sa famille, lors de l’incendie de sa maison, survenu dans le sud de la France :

“Une nouvelle fois, je découvrais la tendresse, la sensibilité profonde des animaux, que trop d’hommes croient avec orgueil sans sentiments. Comment oublierai-je le chat du bord du fleuve, à Varsovie, qui, alors que tant d’hommes n’étaient que bêtes sauvages, était pour moi, enfant pourchassé, la douceur et l’affection !
“Ici, aux Barons, j’avais vu nos chiens puissants se laisser chevaucher par mes enfants, jouer avec eux, en mesurant tous leurs mouvements de manière à ne pas leur faire mal, pleins d’une attention humaine pour le dernier-né. Et sans doute mon chien, au lieu de s’enfuir quand les flammes avaient atteint la voiture, avait-il voulu rester près des miens, jusqu’au bout, périr avec eux.
“Et maintenant Lady, qui souffrait avec moi, qui refusait la nourriture, comme si elle avait voulu se laisser mourir, et il fallait que, morceau après morceau, en lui parlant, en lui présentant longuement la viande, je la force à manger. Il fallait, pour qu’elle accepte, que je lui parle, que je la raisonne. “Tu vois Lady, nous sommes tous les deux. Tu ne veux pas m’abandonner ? Tu ne veux pas me laisser seul ? Tu me restes toi ! Mais il faut que tu manges.”
“Lady me regardait avec ses yeux graves et doux. Elle avalait avec difficulté. Elle se forçait, je le sentais, pour me satisfaire, mais en elle, quelque chose résistait. Elle n’avait plus le désir de vivre. Et pour moi qui devait me décider à chaque seconde à continuer d’exister, la présence de Lady, son désespoir qu’elle ne pouvait exprimer par des mots mais qui était visible dans chacune de ses attitudes étaient une remise en cause de chaque instant. J’avais envie de m’étendre près d’elle et nous serions restés côte à côte, jusqu’à ce que le sommeil nous prenne et nous emporte vers ceux que nous aimions”.

Martin Gray, La vie renaîtra de la nuit, Paris, Le Livre de Poche, 1996.