Je publie aujourd’hui la lettre que, dans ma grande naïveté, j’avais écrite il y a un an à l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, imaginant que sa notoriété et ses contacts au plus haut niveau auraient permis de contribuer à la lutte contre la pollution plastique en Méditerranée.
Monsieur le président,
Avant de développer l’objet de cette lettre, je souhaiterais me présenter très brièvement. Écrivain et historien, je milite également depuis une vingtaine d’années au sein d’associations dédiées à la protection de la nature. Membre du comité de soutien à la Fondation Nicolas Hulot en 2007, j’ai défendu votre action en faveur du « Grenelle de l’environnement ».
Si je me permets de vous écrire aujourd’hui, c’est que j’ai pensé à votre projet d’une Union pour la Méditerranée que les circonstances, notamment au plan international, n’ont malheureusement pas permis de réaliser. Bien que souhaitable, ce projet ne sera certainement pas réétudié avant longtemps, du moins avant que certains problèmes majeurs tels que les conflits locaux, les menaces terroristes et l’absence d’une position européenne commune en matière d’immigration, deviennent moins aigus (et alors même qu’une telle Union eût peut-être permis de les anticiper sinon de les résoudre). En revanche, il paraît possible d’adapter votre projet à une question essentielle qui touche la Méditerranée : la pollution et, en particulier, celle des microparticules de plastique.
Je n’ai pas besoin de vous dire, Monsieur le Président, qu’il s’agit là d’un problème de première importance. De l’état de ce biotope dépend en effet une partie des ressources économiques et sociales d’un grand nombre de pays du pourtour méditerranéen, sans parler de la nécessité de préserver notre patrimoine commun pour les générations à venir. Or la situation, qui est aujourd’hui alarmante, pour ne pas dire catastrophique, requiert l’action rapide et concertée des principaux États riverains. Dans le texte de la proposition de résolution du Parlement européen n° B8-0706/201, datée du 9 janvier 2018, il est stipulé entre autres « que la Méditerranée, avec ses 17 000 espèces marines, est l’un des principaux lieux de la biodiversité mondiale » mais également « que 96 % des déchets flottants analysés en mer Méditerranée sont des matières plastiques » et « que 21 à 54 % de l’ensemble des microparticules de plastique dans le monde se trouvent dans le bassin méditerranéen ». Enfin, d’après les eurodéputés Ivan Jakovčić et Jozo Radoš, auteurs du projet de résolution, « des études récentes montrent que les poissons n’ingèrent pas les particules de plastique par accident mais les recherchent activement, avec tout ce que cela peut avoir comme incidence sur la santé humaine en matière de transfert de polluants ». A terme, l’objectif est « de bannir les sources principales de plastiques marins et de réduire les articles en plastique à usage unique ».
Étant donné les hautes fonctions que vous avez occupées, Monsieur le Président, nul n’est plus à même que vous de devenir l’ambassadeur d’une telle cause. Les relations que vous avez nouées avec les décideurs des États riverains de la Méditerranée, la réputation dont vous jouissez sur le plan international, permettraient sans nul doute d’accélérer les prises de décision des différents acteurs de cette partie du monde. Il ne s’agit évidemment pas de remplacer le travail du Parlement européen ou celui des différentes ONG, mais d’accompagner leur action, de la stimuler, de lui faire profiter de votre énergie et de votre expérience.
J’espère que vous me pardonnerez, Monsieur le Président, la liberté que je prends. Je n’ai nullement la prétention de m’ériger en conseil. Je tiens d’ailleurs à préciser que je n’attends strictement rien de cette démarche à titre personnel, pas même d’y être associé nominalement, et que ma seule motivation est l’espoir que nous puissions éviter la catastrophe annoncée menaçant ce joyau commun qu’est la Méditerranée.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Laurent Dingli