Pour une réponse cohérente et globale

Participation au Grand débat national, le 19 février 2019

Dérèglement climatique, biodiversité et bien-être animal

Il faut repenser notre mode de consommation et de production par la promotion d’une organisation collective dont les références ne seraient plus la croissance numérique et la libre-concurrence mais le respect de la nature et le bien-être de ses habitants. S’il nous faut des réformes à la fois pratiques et praticables, c’est aussi une véritable révolution mentale qu’exige la situation catastrophique de notre planète. Or cette révolution ne peut être conçue de manière partielle et nécessite au contraire de refonder l’ensemble de notre projet de société pour entreprendre une action globale et cohérente :

1. Organiser une transition de notre agriculture afin de passer par étape de l’élevage intensif à une production de plus grande qualité, plus rémunératrice pour les paysans, plus respectueuse de l’animal et de l’ensemble de la nature. C’est pourquoi la déclaration du président de la République à Etang-sur-Arroux suivant laquelle il faut augmenter l’agriculture intensive à l’exportation et les circuits courts au sein du territoire national – me semble en totale contradiction avec le bien-être animal et les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et la pollution (suppression des intrants chimiques de synthèse qui polluent les sols, les eaux et tous les organismes vivants, etc.). On se souvient par exemple que le président de la région Normandie, Hervé Morin, souhaitait développer l’année dernière l’exportation de vaches et de veaux vers l’Iran en utilisant la voie aérienne, projet insensé, tant en matière d’empreinte carbone que de bien-être animal, qui a fort heureusement été mis en suspens en raison de la politique de Donald Trump à l’égard de la République islamique. D’une manière générale, les longs transports d’animaux à travers l’Europe ou vers le Moyen Orient doivent être limités puis progressivement interdits et la France devrait donner l’exemple dans ce domaine au niveau européen. Dans le même esprit, il faut accompagner par des aides et des encouragements le passage de l’élevage porcin intensif (environ 96 % de la production actuelle) à des exploitations où seront respectés les besoins de ces animaux fouisseurs : paille à la place du sol en caillebotis, accès à l’extérieur, suppression des mutilations à vif, etc.). Avant même de commencer à parler de bien-être animal, il faudrait supprimer certaines pratiques parmi les plus intolérables comme le broyage des poussins vivants, l’élevage pour la fourrure ou encore les dérogations dont jouissent les abattages rituels (juifs et musulmans). Par ailleurs, certaines expériences sont déjà tentées pour permettre au veau de téter sa mère au lieu d’être séparé d’elle et abattu, tout en produisant du lait pour les êtres humains. Une pratique qu’il faudrait développer mais qui ne s’accorde évidemment pas avec une production intensive et la surconsommation qui en est le corollaire. En ce qui concerne l’abattage, il faut revenir sur la suppression du projet pourtant indispensable de placer des caméras.

2. Les activités de chasse, malheureusement défendues âprement par l’actuel président de la République et son entourage, sont sources de souffrances multiples et d’insécurité mais également d’une importante pollution (30 000 à 40 000 tonnes de plomb polluent les écosystèmes européens comme l’a révélé récemment le journal Le Monde) et devraient être strictement limitées en commençant par l’octroi de plusieurs journées sans chasse par semaine. Dans un premier temps, il serait indispensable d’interdire les pratiques les plus cruelles comme la vénerie (notamment sous terre, c’est-à-dire le déterrage), la chasse à la glu, les matoles, tendelles, filets, etc., les tirs d’espèces dont les populations sont en diminution ou menacées, des sanctions plus importantes contre le braconnage, l’élevage clandestin, l’interdiction de l’élevage de faisans destinés aux tirs, la suppression de la notion même d’animaux “nuisibles” en repensant notre place au sein du milieu naturel, etc. En cas d’épizooties, ne pas privilégier systématiquement le massacre pour des raisons exclusivement économiques, d’autant plus que l’homme est parfois lui-même responsable de l’expansion des maladies comme cela semble être le cas des sangliers porteurs de la peste porcine importés clandestinement de Pologne en Belgique pour la seule distraction d’une chasse privée.

3. Promouvoir la sensibilisation à la nature et au respect de l’animal comme de véritables disciplines qui seraient enseignées dans les écoles au lieu que les représentants du gouvernement y accompagnent les chasseurs, comme l’a malheureusement fait récemment la secrétaire d’Etat Emmanuelle Wargon. Plus largement, protéger les lanceurs d’alerte et mieux contrôler le clientélisme et le lobbyisme effectués par le pouvoir politique ainsi que l’influence de Thierry Coste et de la Fédération nationale des chasseurs de France auprès du président de la République l’a tristement illustré (allant même jusqu’à provoquer, parmi d’autres motifs, le départ de l’ancien ministre de l’Ecologie, Nicolas Hulot). Dans ce domaine, comme dans d’autres, une plus grande neutralité de l’Etat constituerait une avancée démocratique sensible.

4. Il est urgent de réorganiser totalement les activités de pêche et l’impact catastrophique qu’elles ont sur les milieux marins en agissant tant au niveau national qu’au niveau européen : interdire purement et simplement la pratique dévastatrice de la pêche au chalut dans les frayères de bars et de merlus en Atlantique, traquer les pavillon de complaisance, limiter davantage la pêche du thon rouge dans l’océan indien, interdire l’emploi du DCP (dispositif de concentration de poissons), ce filet aimanté gigantesque qui ratisse les fonds marins et cause un désastre écologique, sanctionner la pollution occasionnée par les filets dans les océans mais aussi celle, plus circonscrite et limitée, de la conchyliculture sur le littoral français : de nombreux matériaux conchylicoles, des cordes de captages de nessain, des plastiques utilisés par les ostréiculteurs et mytiliculteurs pour l’élevage des huîtres et des moules, ainsi que des élastiques polluent en effet des sites comme la baie du Mont Saint-Michel. Se diriger rapidement vers une limitation des élevages intensifs de poissons. Organiser une concertation et un travail en commun régulier avec les associations de protection de la nature plutôt qu’avec les lobbies industriels ou de la chasse, comme cela existe déjà entre des ONG telles que SeaShepherd et des pays africains afin de lutter contre la pêche illégale et le pillage des ressources. Au lieu d’être des opposants trop souvent dénigrés, les associations devraient devenir des partenaires des pouvoirs publics tout en conservant leur indépendance financière.  Il est également nécessaire de développer la recherche sur d’autres types de pollutions sous-marines comme la pollution sonore dont l’impact négatif sur les cétacés est actuellement étudié par des ONG comme l’IFAW.

5. Exiger un étiquetage clair indiquant l’empreinte carbone de chaque produit du commerce, le taux de pollution général depuis la fabrication au recyclage (utilisation de produits chimiques, d’eau, de matières rares, de métaux lourds, etc.) et enfin une évaluation du bien-être animal avec un indice simple à lire qui serait garanti par plusieurs agences indépendantes de l’Etat et des producteurs. Il est indispensable en outre de contraindre les industriels à se diriger vers une suppression des emballages, notamment plastiques en multipliant la fourniture de produits en vrac. Taxer les produits étrangers qui ne répondraient pas à ces nouvelles normes françaises et européennes.

6. Établir des règlements stricts et très contraignants pour la pollution lumineuse et la surconsommation d’électricité pour des raisons commerciales (enseignes nocturnes, bureaux éclairées la nuit et leurs ordinateurs non éteints, les terrasses de bars et de restaurants chauffées l’hiver et la multiplication des écrans géants. Il faut tout simplement interdire les activités polluantes purement ludiques : comment tolérer par exemple à l’heure d’un dérèglement climatique majeur et de l’effondrement de la biodiversité que des hélicoptères remontent des skieurs en haut des pistes ou promènent les touristes sur la côte d’Azur en effectuant de constantes rotations ?

7. En matière de transport aérien, terrestre et maritime, il semble d’ailleurs impératif d’envisager une augmentation des taxes sur les trajets les plus longs et les plus polluants en essayant de négocier un accord européen voire mondial, mais comme un consensus dans ce domaine paraît des plus improbables, du moins à court terme, en raison des égoïsmes nationaux et de la compétitivité des entreprises, la France devrait commencer par faire pression au niveau de l’UE pour que le sacro-saint principe de “libre-concurrence” soit remplacé par celui de méthodes vertueuses en matière climatique et de respect de la nature. Nous ne pourrons constamment éviter l’opposition transitoire entre économie et écologie comme nous le faisons depuis plus de 30 ans. Un exemple, les gigantesques bateaux de croisière sont à la fois une grande source de revenus pour la France mais aussi de pollution par l’émission de particules fines, sans parler de la surconsommation à bord de denrées en tout genre, de la pollution en mer, etc. S’il existe de grands gisements d’emplois verts, il faut faire rapidement des choix parfois douloureux en taxant ces moyens de transports polluants. Développer de toute urgence le ferroutage et ne plus se limiter à des déclarations de bonnes intentions comme c’est le cas depuis des décennies.

8. Mettre un terme à l’artificialisation des sols. Reconvertir les zones bétonnées par le reboisement, la création ou la récréation de zones humides. Travailler à verdir les milieux urbains et notamment les quartiers populaires. L’objectif du gouvernement “zéro artificialisation nette” (tout nouvel hectare artificialisé devra être compensé par un hectare de terre “naturalisé”), n’est absolument pas suffisant et manque cruellement d’ambition. Le Pakistan a replanté un milliard d’arbres. L’Inde et la Chine (dont la pollution est due en partie à nos propres biens de consommations qu’elles fabriquent et exportent) ont également fait des efforts considérables. Quel est le plan concret de la France dans ce domaine ?

9. Il est indispensable d’aider davantage les foyers des classes moyennes basses et modestes à entreprendre la transition écologique en matière d’isolement des logements, de chauffage et de transport. Pour le financement de ces mesures essentielles, dont certaines sont déjà engagées par le gouvernement, une taxe importante sur les transactions boursières semble constituer un instrument efficace (mais non exclusif). D’une manière générale, il est urgent de donner enfin une réalité au principe “pollueur-payeur” en taxant les entreprises françaises et étrangères qui causent le plus de pollution. Pour cela, il faut sortit du sempiternel chantage à l’emploi en organisant plus rapidement la reconversion vers des métiers écologiques.

Il est bien évident que ces quelques pistes de réflexion induisent non seulement une modification de nos modes de production et de consommation mais parallèlement, et les choses sont indissociables, un changement de notre vision du monde dont l’alpha et l’oméga ne peuvent plus être “la libre concurrence” et la rentabilité