Madame,
J’écoute toujours avec beaucoup d’intérêt vos interventions que j’apprécie souvent. Toutefois, j’ai éprouvé une certaine gêne en écoutant votre dernière chronique sur Europe 1. Je comprends l’agacement que suscite chez vous les actions de José Bové et de la Confédération paysanne – et tout récemment encore leur opposition à l’installation de la ferme dite des « mille vaches ». Vous n‘y voyez – comme pour le rejet des OGM – qu’une simple opposition d’inspiration idéologique et, pour tout dire, l’expression d’une forme récurrente d’obscurantisme. Je trouve votre dénonciation tout aussi systématique, bien qu’elle ne manque pas de fondement sur certains points. Vous ne retenez en effet qu’un modèle de croissance linéaire sans songer peut-être qu’il existe d’autres facteurs, d’autres priorités qu’il n’est pas forcément rétrograde de prendre en compte. Par exemple, vous ne semblez jamais songer au bien être animal et au respect que l’on peut avoir pour le vivant. Or ce n’est pas précisément le cas de notre modèle fondé presque exclusivement sur l’élevage intensif ; comme si cela n’était pas encore suffisant, il faudrait aller encore toujours plus loin dans cette course folle au rendement. Vous prenez l’Allemagne en exemple – je sais bien, c’est à la mode – mais vous êtes-vous demandé à quel prix se réalisait cette excellence comptable dans le domaine de l’élevage ? N’avez-vous pas songé que, derrière ces chiffres, ces indices, il y avait aussi de la vie et, il faut bien le dire, beaucoup de souffrance ? Croyez bien, chère Madame, que je n’ai nullement la prétention ni l’indélicatesse de venir ici vous adresser une quelconque leçon de morale. Je voudrais simplement vous rappeler que notre modèle économique, s’il nous apporte des avantages et un confort apparent, a aussi de graves revers qu’il ne faut pas continuer d’ignorer. Chaque année, en France, plus d’un milliard d’animaux sont élevés et abattus, dans des conditions souvent cruelles, voire même effroyables, malgré les progrès enregistrés par la Communauté européenne dont toute personne de bonne foi doit prendre acte. Mais l’industrie intensive, ce sont 60 millions de poussins broyés vivants par l’industrie agro-alimentaires ; ce sont plus de 80% des porcs élevés de manière intensive au mépris de leurs besoins fondamentaux (il y en a déjà plus que d’êtres humains en Bretagne qui se débattent dans de véritables usines à viande) ; ce sont, trop souvent encore, des volailles enfermés dans des conditions inacceptables, usés comme les vaches par l’éternel impératif de la production. Et, comme si cela n’était pas encore suffisant, il faudrait multiplier de gigantesques unités d’enfermement pour ces animaux qui ont aussi des besoins, comme vous, comme moi, comme nous tous – et produire encore et encore davantage. Vous évoquer l’aspect écologique de ces installations « modernes » (« moderne », c’est le mot-alibi, le mot magique). Le fait de pouvoir retraiter les déchets n’est pas tout, bien que nos rivières et nos plages, ici en Bretagne, soient là pour attester qu’il y a en effet beaucoup de chemin à parcourir dans ce domaine. Non, il y a aussi l’être vivant ; je vous en prie, ne l’oubliez pas dans vos réflexions que je trouve si souvent pertinentes.
Avec mes plus sincères salutations
Laurent Dingli
J’écoute toujours avec beaucoup d’intérêt vos interventions que j’apprécie souvent. Toutefois, j’ai éprouvé une certaine gêne en écoutant votre dernière chronique sur Europe 1. Je comprends l’agacement que suscite chez vous les actions de José Bové et de la Confédération paysanne – et tout récemment encore leur opposition à l’installation de la ferme dite des « mille vaches ». Vous n‘y voyez – comme pour le rejet des OGM – qu’une simple opposition d’inspiration idéologique et, pour tout dire, l’expression d’une forme récurrente d’obscurantisme. Je trouve votre dénonciation tout aussi systématique, bien qu’elle ne manque pas de fondement sur certains points. Vous ne retenez en effet qu’un modèle de croissance linéaire sans songer peut-être qu’il existe d’autres facteurs, d’autres priorités qu’il n’est pas forcément rétrograde de prendre en compte. Par exemple, vous ne semblez jamais songer au bien être animal et au respect que l’on peut avoir pour le vivant. Or ce n’est pas précisément le cas de notre modèle fondé presque exclusivement sur l’élevage intensif ; comme si cela n’était pas encore suffisant, il faudrait aller encore toujours plus loin dans cette course folle au rendement. Vous prenez l’Allemagne en exemple – je sais bien, c’est à la mode – mais vous êtes-vous demandé à quel prix se réalisait cette excellence comptable dans le domaine de l’élevage ? N’avez-vous pas songé que, derrière ces chiffres, ces indices, il y avait aussi de la vie et, il faut bien le dire, beaucoup de souffrance ? Croyez bien, chère Madame, que je n’ai nullement la prétention ni l’indélicatesse de venir ici vous adresser une quelconque leçon de morale. Je voudrais simplement vous rappeler que notre modèle économique, s’il nous apporte des avantages et un confort apparent, a aussi de graves revers qu’il ne faut pas continuer d’ignorer. Chaque année, en France, plus d’un milliard d’animaux sont élevés et abattus, dans des conditions souvent cruelles, voire même effroyables, malgré les progrès enregistrés par la Communauté européenne dont toute personne de bonne foi doit prendre acte. Mais l’industrie intensive, ce sont 60 millions de poussins broyés vivants par l’industrie agro-alimentaires ; ce sont plus de 80% des porcs élevés de manière intensive au mépris de leurs besoins fondamentaux (il y en a déjà plus que d’êtres humains en Bretagne qui se débattent dans de véritables usines à viande) ; ce sont, trop souvent encore, des volailles enfermés dans des conditions inacceptables, usés comme les vaches par l’éternel impératif de la production. Et, comme si cela n’était pas encore suffisant, il faudrait multiplier de gigantesques unités d’enfermement pour ces animaux qui ont aussi des besoins, comme vous, comme moi, comme nous tous – et produire encore et encore davantage. Vous évoquer l’aspect écologique de ces installations « modernes » (« moderne », c’est le mot-alibi, le mot magique). Le fait de pouvoir retraiter les déchets n’est pas tout, bien que nos rivières et nos plages, ici en Bretagne, soient là pour attester qu’il y a en effet beaucoup de chemin à parcourir dans ce domaine. Non, il y a aussi l’être vivant ; je vous en prie, ne l’oubliez pas dans vos réflexions que je trouve si souvent pertinentes.
Avec mes plus sincères salutations
Laurent Dingli
Ecouter l’Edito de Catherine Nay du 1er juin 2014 sur le site d’Europe 1.fr