L’ouest du Delta
Lundi 8 avril 2013
J’en rêvais depuis longtemps et me voici dans l’avion à destination de Johannesburg. Demain, un nouvel appareil de la South African Airways me conduira jusqu’à Maun, petite ville touristique située au sud du delta de l’Okavango, au Botswana. C’est cette région que je suis venu découvrir. J’y songe depuis des années, depuis que j’ai vu un beau documentaire que Nicolas Hulot lui avait consacré. Le delta de l’Okavango est l’une des merveilles encore relativement préservées de notre planète. J’ai parfois quelques frissons en songeant que, dans moins de 48h, je camperai au milieu des animaux sauvages et “naviguerai” sur le delta dans une simple pirogue – un “mokoro” comme l’appellent les Batswana. Je sais que les hippopotames sont responsables d’un grand nombre d’accidents mortels, loin derrière, il est vrai, les insectes, vecteurs entre autres de la malaria, et les serpents. “Que faire si l’on se retrouve en face d’un lion dans le campement ?”, avais-je demandé à mon agent de voyage. “C’est lui qui aura peur de vous”, m’avait-t-il répondu sans rire. “Et si un hippopotame renverse ma pirogue ?” (une touriste sud-africaine est morte il y a quelques temps dans ces conditions) ? “Eh bien, il vous suffit de remonter dedans !” “Bon…” Je n’ai pas inisisté. Et puis, j’étais trop fasciné par l’Afrique pour avoir peur. Quant à vivre une “aventure”, je n’ai jamais eu cette illusion. Si le terme avait encore un sens, c’était à l’époque de Livingstone, de Burton et de Brazza.
Carte du Botswana © Le Routard.com
Le voyage est assez long, près de 24 heures, mais j’en profite pour me laisser aller à la rêverie et oublier un peu la routine, la crise, la corruption de certaines personnalités politiques françaises, l’absence de perspectives, et toujours, la destruction de notre terre et de ses habitants. Dès mon retour, j’apprendrai que les derniers rhinocéros du parc de Limpopo au Mozambique ont été exterminés par les braconniers. Des 300 individus qui peuplaient le parc en 2002, il n’en reste aucun ; tout cela parce que la demande de cornes, prisées pour leurs prétendues vertus aphrodisiaques, ne cesse d’augmenter, notamment en Indonésie et au Vietnam. Envie d’oubier tout cela un moment. Mais comment pourrai-je ne pas penser au massacre des éléphants lorsque je serai au milieu d’eux ? Il faut savoir se concentrer sur la beauté du monde, s’accorder le temps d’apprendre et d’observer, ce sera autant d’énergie ravie à la douleur que le spectacle incessant de la déréliction me fait endurer. Et puis, je passe une partie de la nuit à converser avec mon voisin, un pasteur de l’Oklahoma né au Zimbabwe d’un père missionnaire… et missionnaire lui-même. Il est accompagné par deux autres pasteurs, un homme de notre âge, et un autre plus jeune. Le prosélytisme m’a toujours mis mal à l’aise et je ne peux m’empêcher de penser à ce qui se pratiquait il y a quelques décennies encore, c’es-à-dire aux enfants indiens ou aborigènes qu’on enlevait à leur famille pour les éduquer dans la religion chrétienne. Cette violence, cette façon de voler l’identité et la culture des gens, m’a toujours été insupportable. Mais nous sommes en 2013 et j’ai davantage envie de comprendre les motivations de cet homme que de le juger et de lui faire un quelconque procès d’intention. Je lui confie d’ailleurs librement mon opinion sur la question. Il me répond avec beaucoup de pondération et d’ouverture d’esprit. Nous parlons de la foi, sujet sur lequel je n’aurai jamais la prétention d’avoir des idées définitives. Je ne puis que m’interroger. Cela me fait penser aux conversations que j’ai eues avec Mme Kathleen Crenshaw dont le mari avait été battu à mort par les SS et qui venait, lorsque je l’ai rencontrée, de perdre le fils dont elle était enceinte lorsqu’elle avait été arrêtée par la gestapo, en 1943. Sa foi chrétienne l’a aidée à survivre. C’est une force que je n’ai pas et que je n’aurai sans doute jamais. Mon pasteur d’Oklahoma m’explique donc l’objet de sa mission et me décrit l’orphelinat qu’il a créé pour venir en aide à des enfants zimbabwéens dont certains sont malades du sida. Je suis heureux d’avoir fait sa connaissance.
Mardi 9 avril
De Johannesburg, je ne connaîtrai que l’aéroport. Les dernières heures d’attente, le matin du 9 avril, dans la salle de transfert, sont assez pénibles ; je n’ai dormi que trois heures. Puis c’est enfin le départ pour le Botswana. Je regarde avidement par le hublot le paysage de l’Afrique du sud et, à certains endroits, sa terre rouge sang. Après un vol agréable d’un heure et demie, nous atterrissons à Maun.
L’accueil à l’aéroport de Maun
L’ambiance est chaleureuse et détendue. Je n’ai pas d’appréhension. Il faut dire que ce peuple est pacifique et accueillant. Le Botswana est un pays privilégié, qui n’a connu ni guerres coloniales ni guerres civiles dans un continent qui en a connu tant. J’ai le sentiment que c’est l’exact négatif du Congo, cette autre terre qui me fascine. Et je mesurerai encore davantage la spécificité du Botswana en découvrant la Zambie, pays pauvre et surpeuplé. A l’aéroport, je fais la connaissance de Franck, un jeune hollandais de trente ans qui sera l’un de mes compagnons de voyage. Comme moi, il est passionné de photos, ce qui nous rapproche rapidement. Maun est une petite ville touristique assez agréable, mais sans charme particulier. En sortant de l’aéroport, je découvre le véhicule dans lequel nous effectuerons notre safari, une gigantesque land-rover, capable d’accueillir seize touristes et trois guides. Mais je ne soupçonne pas encore de quoi cet engin est capable. Nous nous rendons dans une épicerie afin d’acheter ce qui nous sera nécessaire en boissons pendant les trois jours que nous allons passer en brousse, puis l’on me dépose à mon lodge. C’est la dernière fois que je dormirai dans une chambre avant longtemps.
La jeep land-rover de Bush Ways safaris
Après 24 heures de voyage, je n’ai qu’une idée, prendre une douche, mais, comble de malchance, on me fait savoir qu’il n’y a pas d’eau pour l’instant. C’est l’Afrique… Je décide de me détendre et passe une soirée agréable au restaurant du Mau lodge. Là encore, l’ambiance est festive et chaleureuse. Je me laisse bercer par la douceur de cette soirée africaine et par le chant des grenouilles qui me rappelle les Antilles. Je m’amuse aussi du cérémonial qui préside au service du dîner. Le serveur m’apporte en effet ma pizza sous une cloche de métal argenté ! Je trouve cela touchant et d’ailleurs, le serveur a beaucoup d’attentions. Ce n’est pas de l’obséquisité, seulement de la gentillesse.
Le premier oiseau que j’ai eu la chance d’observer au Botswana.
Mercredi 10 avril
Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, j’attends le reste du groupe et en profite pour photographier un premier oiseau magnifique dont j’ignore encore le nom. Il est 7h du matin. J’ai déjà préparé mon sac à dos, pris ma douche et mon petit déjeuner. Je suis prêt. Le reste du groupe vient me chercher. Je fais la connaissance d’un couple de jeunes hollandais, Peter et Wienke, de Français, Christophe et Caroline, et de l’accompagnatrice, française elle aussi, Caroline, venue se familiariser avec les safaris organisés par Bushways. Dans quelques jours nous serons rejoints par un autre couple hollandais, Remon et Christa, et un couple allemand, Thomas et Monika. J’apprends aussi à connaître nos trois guides. Le plus âgé (il a 49 ans, soit un an de plus que moi), est le doyen de cette équipe plutôt jeune. C’est un homme d’expérience. Pour les touristes, il s’appelle Master ; mais son vrai nom est Keokeditswe. Il est assisté par deux jeunes gens, le cuisinier, Lawrence Richard, et le conducteur de la land-rover, Mike – de son vrai nom, Seboifeng (prononcer Seboïfeng). Nous allons camper pendant trois jours au milieu de la nature sauvage, dans la partie ouest du delta de l’Okavango. Depuis Maun, nous prenons donc la route du Sud et de l’Ouest, en direction de la Namibie, en passant par le village de Toteng, avant de remonter un peu vers le Nord à partir de Sehitva. Je ne suis nullement incommodé par le trajet. La route asphaltée est agréable, et la land-rover, très confortable. L’agence locale veille d’ailleurs à ce que nous ne soyons que onze touristes dans une jeep qui pourrait en accueillir facilement seize. La chaleur est agréable sans être accablante et la température oscillera tout au long du séjour entre les 30 et 35°, mais avec du vent et sans l’humidité que pourrait faire craindre le biotope que nous traversons. Il faut dire que la saison des pluies s’est théoriquement achevée le mois précédent. Enfin – et ce sera chaque jour une habitude – nous faisons une halte “fruit” désaltérante sur le trajet. C’est pour moi l’occasion de photographier un éleveur et un martin-pêcheur pie.
Jeune gardien de troupeau et Martin pêcheur pie – Pied Kingfisher (Ceryle rudis) – environs de Toteng
Sur notre droite, au loin, nous explique Keokeditswe, se trouve la “veterinary fence”, la barrière vétérinaire censée séparer les animaux d’élevage de la faune sauvage, et inversement, pour éviter toute transmission de maladies. Mais des prédateurs parviennent à passer, c’est pourquoi les paysans rentrent systématiquement leur bétail la nuit dans de petits enclos. Pendant la journée, en revanche, ânes, chèvres et vaches se promènent librement. Mike est expert pour anticiper le mouvement des animaux et s’ingénie à klaxonner pour écarter ceux qui traversent la route. Nous rencontrons aussi souvent des vendeurs de pastèques, hommes, femmes, enfants, qui proposent leurs denrées rafraichissantes aux voyageurs.
Enfants, environs de Tsau
Nous déjeunons d’un pique-nique puis roulons jusqu’au Nguma Island Lodge qui se situe à la fin de la “panhandle” – la poignée ou le manche de poêle – comme on appelle ici le fleuve Okavango avant qu’il ne se forme en delta. C’est notre premier contact avec l’Okavango. Il faut s’enfoncer dans la savane en partie inondée pour atteindre le lodge qui ne sera d’ailleurs pour nous qu’une simple étape. Beaucoup d’ânes dont certains ont les pattes avant attachées pour qu’ils ne s’éloignent pas trop. Et puis des oiseaux magnifiques. Nous sommes tous impressionnés la première fois que Mike lance la land-rover dans un plan d’eau. J’esssaie de filmer ou de prendre un ibis sacré en photo, mais les secousses rendent toute prise de vue impossible. Nous ne nous arrêtons au Nguma Island Lodge que pour transférer nos bagages dans des canots à moteur qui nous conduiront jusqu’à notre campement sur l’une des îles du delta.
Agrandir le plan
L’un des bateaux avec lesquels nous avons rejoint notre campement
Nous découvrons émerveillés la végétation du delta de l’Okavango, faite notamment de nénuphars, de roseaux, de papyrus, de palmiers Phoenix reclinata, de figuiers sycomores ; ses îles arborées de baobabs, d’acacias noirs et d’arbres à saucisses ; ses lagons, ses étendues d’eau larges ou ses chenaux étroits, parfois créés par le passage des hippopotames (hippo trail). La région est actuellement trop inondée pour abriter les grands prédateurs (suivant la saison, la superficie inondée varie de 4000 à 10.000 km2). Notre guide nous prévient qu’en cette période de l’année, nous ne verrons ni léopards ni lions ni même d’ailleurs d’éléphants, mais des oiseaux, des singes, des hippopotames, des crocodiles… Nous nous concentrerons surtout sur les traces laissées par les animaux ou encore l’utilisation traditionnelle de la flore. Pendant quelques instants, j’ai été sottement déçu. Je ne soupçonnais pas quelle expérience extraordinaire j’allais vivre.
Végétation caractéristique du delta
Vers 16h, nous effectuons notre première promenade en mokoro. A cette occasion, nous faisons la connaissance du groupe de “polers” – c’est le nom local des piroguiers – qui vont nous guider tout au long de notre séjour dans cette partie du delta. J’apprécie très rapidement ces hommes pour leur sérieux et la passion avec laquelle ils nous font découvrir un environnement qu’ils connaissent sur le bout des doigts. En fait, seul le “leader” des polers, qui se fait appeler Tonic, mais dont le vrai nom est Dinonoka, nous donne des explications. Les présentations sont faites. En plus du chef, nous serons accompagnés par Magic, Jack, Jonas, Rocas, Schizo… (il y a beaucoup d’humour dans le choix des pseudos pour touristes). Je partage avec Franck le mokoro conduit par Schizo, un homme au sourire généreux et aux manières cordiales. Le chef des polers, Dinonoka (je préfère employer son nom africain) nous demande de ne pas tenter de rétablir l’équilibre de la pirogue car notre poler, qui prend place derrière nous, un peu comme un gondolier vénitien, s’en chargera avec ses pieds. Le mokoro est propulsé à l’aide d’une simple perche de bois creusée en trident à son extrémité avec laquelle le poler pousse le fond.
Magic tenant la perche avec laquelle il fait mouvoir son mokoro
Après cette première respiration, nous retournons au campement, une île minuscule où l’on ne se sent pas immédiatement en sécurité. Keokeditswe et Dinonoka en ont d’ailleurs fait rapidement le tour pour s’assurer qu’aucun animal dangereux n’y était installé. Le premier nous apprend à monter nos tentes en commençant par la mienne en guise de démonstration. Ayant deux mains gauches, j’aurais voulu essayer, mais ce sera pour la prochaine fois. Avant mon départ, ma femme et ma fille riaient déjà de bon coeur à l’idée que j’allais devoir monter ma tente. J’y suis tout de même parvenu sans trop de difficultés, parfois aidé, il est vrai, par Caroline, Peter ou Keokeditswe. La sensation de cette première nuit de camp au milieu du delta est exaltante. J’apprends à reconnaître le mugissement de l’hippopotame en espérant qu’il ne lui vienne pas à l’esprit de traverser notre camp. L’animal sort en effet de l’eau au coucher du soleil pour se nourrir toute la nuit. Et comme il a été chassé par l’homme pendant des siècles, il ne le porte pas spécialement dans son coeur. C’est un beau baigneur qui pèse jusqu’à 3,2 tonnes, un végétarien dont les dents sont toutefois très tranchantes et qui peut filer jusqu’à 30 km/heure. Keokeditswe, alias Master, nous l’a d’ailleurs répété : tout ce qui vit ici est plus rapide que vous. De quoi nous mettre à l’aise et nous ramener à une humilité plus que salutaire… Comme plusieurs de mes compagnons de voyage, je passe une première nuit sous tente assez agitée, m’éveillant régulièrement pour écouter avec un ravissement mêlé d’appréhensions tous les bruits nocturnes du delta.
En haut: le chef des polers, Dinonoka ; en bas, Jack
Jeudi 11 avril
A partir de ce moment, et jusqu’à mon départ pour la France, les journées seront à peu près rythmées de la même manière. Lever officiel à 6h du matin (mais je commence à ranger mes affaires dès 5h30, c’est-à-dire à l’heure où Lawrence prépare le feu de camp), puis, si nous restons un jour de plus au même endroit et qu’il n’y a donc aucune tente à démonter, nous prenons notre petit déjeuner (toasts grillés au feu de bois, confitures, thé, café) et faisons de très rapides ablutions avant d’entamer notre premier safari du jour vers 7h – 7h15.
Lawrence préparant le petit déjeuner
Je me réjouis de la journée à venir que nous allons passer à visiter des îles du delta à pied.
Au premier plan, Schizo, le poler qui nous guide, Franck et moi.
Nous accostons dans une première île. Même en sachant que les grands prédateurs ont quitté momentanément cette partie du delta, cela fait une curieuse impression d’avancer sans protection sur la terre ferme (nous n’avons bien entendu aucune armes à feu et n’en voulons pas). Mais c’est en même temps très grisant.
Polers et mokoros alors que nous venions d’accoster dans une petite île du delta, le matin du 11 avril
Nous avions fait à peine quelques pas lorsque Dinonoka nous montra des taupinières creusées par un animal dont je n’ai pas eu le temps de noter le nom. Puis nous nous sommes dirigés vers un magnifique baobab (Andansonia digitata), le premier que j’ai pu admirer de près. D’après Dinonoka cet arbre aurait 800 ans, mais Keokeditswe revoit cette estimation à la baisse et se prononce pour un demi-millénaire ce qui est déjà plus que vénérable.
Kesaobaka, le plus jeune des polers, observe un baobab
Dinonoka nous explique que ces arbres survivent aux dégâts causés par les éléphants ; en effet, ils possèdent une écorce fibreuse qui se reconstitue contrairement à celle d’autres arbres incapable de se régénérer après le passage des pachydermes. Le fruit du baobab, au goût acidulé, est comestible, tant pour les humains que pour les singes.
J’étais tout aussi impatient d’en savoir davantage sur l’arbre à saucisses ou saucissonnier (Kigelia africana), appelé ainsi en raison de la forme de ses fruits. Mieux vaut ne pas faire une sieste en-dessous, s’amusa Keokeditswe, car les fruits pesant 5 kg en moyenne, nous risquerions d’être assommés. La pulpe de ce fruit, dont on fait des huiles essentielles, permet de raffermir la peau et de tonifier la poitrine des femmes. L’écorce sert à faire des remèdes que les autochtones prétendent efficaces contre les morsures de serpent, les maux de dent ou d’estomac.
Dinonoka nous présente le fruit de l’arbre à saucisses
Nous découvrons ensuite les différentes utilisation traditionnelles du “wild basil”, la sarriette commune (Satureja vulgaris) qui sert à faire des inhalations mais aussi à masquer l’odeur des cadavres avant les enterrements. Dinonoka nous apprend encore à reconnaître les traces d’éléphants, dont il marque le contour du doigt, et celles d’hippopotames (quatre orteils alors que le rhinocéros n’en a que trois). De temps à autres, il s’interrompt pour nous indiquer le vol d’un “Cardinal Woodpecker”, un Pic cardinal (Dendropicos fuscescens), ou le passage d’un “Fish eagle”, un pygargue vocifer, malheureusement trop éloigné pour que je puisse le photographier.
Mike (Seboifeng) écoute les explications de Tonic (Dinonoka) bien qu’il connaisse tout cela très bien. Il tient en mains le guide des oiseaux d’Afrique du Sud, le Newman’s birds of South Africa.
Dinonoka prend alors place près d’une termitière pour nous dire de quelle manière le travail de ces insectes participe puissamment à l’entretien et au renouvellement du biotope. Leur présence, assure-t-il, ne permet rien moins que de créer des îles. Tout commence lorsque qu’un grand mammifère, un éléphant ou un hippopotame, dépose ses déjections au sommet de la termitière. Comme l’éléphant ne digère que 40 à 60 % de ce qu’il consomme, le dépot germe facilement. A la longue, l’élévation que forme la termitière couronnée de végétation formera une petite île.
Notre guide “poler” juché sur une termitière
Dinonoka se concentre désormais sur un palmier utilisé par les femmes pour la vannerie. Il s’agit très probablement de l’Hyphaene petersiana. Expliquant les différents usages de cette plante.
Kesaobaka a trouvé un usage plus ludique de la feuille de palmier
Dinonoka avant notre départ de l’île
Avec Christophe et Sophie à son bord
Lors du retour vers le campement, je profite du paysage et du silence qui règne alors que les pirogues fendent lentement les eaux du delta. Même les moustiques, que je redoutais, ne m’importunent pas. Il faut dire que je me suis aspergé de répulsif et que je n’oublie pas de prendre mon comprimé quotidien de Malarone. Je comprends cependant, vue la dangerosité de ces substances, que les résidents de longue durée en Afrique n’en prennent pas. Tout au plus ai-je quelques petites griffures sur les bras quand nous passons par des chenaux étroits et que les branches nous égratignent au passage. Autant dire rien… Toujours conduits par Schizo, Franck et moi naviguons en seconde position, juste derrière le “leader”, Dinonoka. J’aime l’observer, le regard d’aigle qu’il a lorsqu’il se retourne pour surveiller le groupe, un regard que l’on aurait tort de considérer comme l’expression d’une quelconque dureté de caractère ; c’est plus simplement de la conscience professionnelle et le sens des responsabilités. Même s’il est né ici, même s’il connaît tout de son environnement, cet homme assez jeune n’oublie pas qu’il faut rester humble et vigilant face à la nature sauvage. Ce soir, il nous en donnera une preuve éclatante qui nous impressionnera tous.
Sur son mokoro, le 11 avril.
A part de rares exceptions, c’est-à-dire lorsque nous avons beaucoup de route à faire, les heures les plus chaudes de la journée sont consacrées au repos et à l’hygiène. Je prends ainsi ma première “bush shower”. Nous avons évidemment pour consigne d’économiser l’eau au maximum : se mouiller brièvement, tourner le bouton de la douche qui commande un ballon en plastique, se savonner, puis faire à nouveau couler l’eau pour se rincer aussi vite que possible. Lorsque nous remarquons que le ballon est presque vide, il nous suffit d’appeler un de nos accompagnateurs pour qu’il le remplisse afin que la personne suivante puisse se rafraichir à son tour. La land-rover, me dit-on, peut contenir quatre-vingts litres d’eau entre le réservoir et les jerricans. Ce sera le minimum indispensable pour se laver et faire la cuisine lorsque nous partirons une semaine entière dans les réserves de Moremi et de Chobe. Les journées filent et j’ai à peine le temps de griffonner quelques phrases sur mon carnet de voyage et de photographier Lawrence.
Vers 16h, nous repartons en mokoro pour un nouveau safari. Le paysage est toujours aussi somptueux.
Encore l’extraordinaire végétation du delta
Nous accostons sur la terre ferme – l’île aux Babouins, nettement plus grande que la précédente. Et elle est bien nommée car nous apercevons rapidement une bande de singes grâce à l’oeil exercé de notre guide, puis c’est un magnifique rapace dont j’ai oublié malheureusement le nom. L’heure passée à terre fut magique. Nous nous apprêtions à rentrer, vers les 17h, lorsque je sentis que quelque chose n’allait pas, bien que nos polers eussent conservé leur calme : nous étions litteralement encerclés par des hippopotames qui se trouvaient à 50 et 80 mètres de distance et qui refusaient de nous laisser passer, sans aucun doute parce que nous empiétions sur leur territoire.
La tension est à peine perceptible sur le visage de Jack
C’est alors que nous pûmes mesurer toute l’expérience et le sang-froid de Dinonoka et de ses hommes. Avec son regard perçant, il analysa rapidement la situation. Il nous expliqua qu’il ne fallait pas avoir l’air de fuir, mais qu’il était nécessaire de reculer lentement car nous risquions d’isoler un animal du reste du troupeau, ce qui pourrait leur paraître comme une menace. Ainsi fut-il fait. Nous les touristes regardions, interrogateurs, nos polers. Leur maîtrise de la situation nous rassura assez rapidement, même si nous fûmes assez contents de sortir de cette “hippo pool” – littéralement de cette piscine à hippopotames.
Deux des cinq ou six hippopotames qui nous barraient la voie
En haut, Jack ; en bas, Schizo, toujours aimable et réservé
Il est 18h, nous admirons le coucher de soleil et écoutons Dinonoka nous expliquer la différence entre les nénuphars (water lilies) de jour et les nénuphars de nuit. Il nous fait même goûter leurs fruits (Je m’abstiens, contrairement à Franck, même s’il n’y a sans doute aucun risque, le souvenir de la fièvre typhoïde que j’ai contractée en Egypte à l’âge de 20 ans a un effet inhibiteur certain).
Jack cherche un fruit de nénuphar à la demande de Dinonoka afin que nous puissions le goûter.
Dinonoka montrant le fruit
Nous rentrons au campement pour une dernière soirée dans cette partie ouest du delta. J’en profite pour interroger nos guides sur leurs noms et leurs ethnies. Ils paraissent amusés par mes questions et certains même un peu surpris. Les polers tout d’abord, Dinonoka, Kesaobaka, Schizo, Jack et les autres sont Bambukushu ; Mike, le conducteur du land-rover et Lawrence sont Bayeyi. Enfin, Keokeditswe, le chef des guides, est d’une tribu du Kalahari distincte des fameux San (Bushmen).
Lawrence et Keokeditswe (Master)
Vendredi 12 avril
Il nous faut quitter cet endroit merveilleux pour rentrer à Maun, nous y ravitailler avant de repartir pour la réserve de Moremi, côté est du delta. J’ai un petit pincement en quittant les polers que je ne verrai peut-être plus jamais. J’ai beaucoup apprécié ces hommes, notamment leur chef Dinonoka. Ils nous ramènent à l’endroit où des bateaux à moteurs nous conduiront au Nguma Island Lodge. Nous nous séparons en deux groupes. Trois de nos amis hollandais, Franck, Peter et Wienke, ainsi que Caroline, ont prévu de survoler le delta dans un petit avion, comme cela se pratique ici couramment. C’est paraît-il une expérience unique. Mais j’ai choisi le retour par la route, pour calmer les inquiétudes de ma femme. Je repars donc avec le couple de Français, Christophe et Sophie, et nos trois guides, Lawrence, Mike et Master. Je n’ai pas de regret car j’en profite pour échanger avec eux et photographier les habitants de la région.
Femmes photographiées sur la route, peu après Nguma Island
Un équipage typiquement africain !
Enfants chevauchant des ânes
Je tenais surtout à photographier des femmes herero revêtues de leur costume traditionnel. Je n’avais pu le faire lors de mon arrivée au Botswana, faute de temps, et j’avais fait part de mon souhait à Keokeditswe. Il m’en indiqua donc plusieurs alors que nous traversions Maun. Les herero sont un peuple martyr qui a beaucoup souffert de la présence allemande en Namibie. En 1904, précise la fiche Wikipedia qui leur est consacrée, les Herero “se sont soulevés contre la colonisation allemande de leur territoire (le Sud-Ouest africain). Ils ont été alors victimes d’une répression féroce dirigée par le général Lothar von Trotha, auteur d’un ordre d’extermination à leur encontre. Ainsi, entre 1904 et 1911, la population herero du Sud-Ouest Africain est passée de 80 000 à 15 000 individus”. La minorité herero du Botswana vit de petits métiers. Keokeditswwe me fait remarquer que seules les femmes portent le costume traditionnel et que cela doit être assez pénible pour elles lorsque la température atteint les 40° centigrades.
Femmes herero, Maun – Botswana
Une bonne partie de l’après-midi est consacrée au ravitaillement pour la semaine entière que nous passerons en brousse. J’achète des packs de boissons schweppes, car ma femme m’a appris qu’elles contenaient de la quinine – un alcaloïde antipaludique : c’est pour cette raison que les Anglais buvaient du gin tonique en Inde (mais avec des doses de quinine beaucoup plus importantes que dans nos boissons actuelles). J’en offre tous les jours à Mike et Lawrence – ils semblent apprécier. Nous mettons d’ailleurs la plupart de nos denrées en commun. Franck a acheté un peu de vin d’Afrique du Sud que nous sirotons le soir. Après les courses faites avec Christophe et Sophie, nous retrouvons ceux qui ont survolé le delta. Ils nous apprennnent une nouvelle extraordinaire : en effet, ils ont vu un groupe de 4 ou 5 rhinocéros courir au-dessous de leur appareil. Keokeditswe, le chef des guides, en est lui-même étonné car il pensait que les rhinocéros avaient définitivement disparu du delta. J’ose espérer que c’est plus qu’un sursis pour ces animaux majestueux qui sont systématiquement exterminés. Les chiffres sont éloquents, notamment pour l’Afrique du Sud : 13 rhinocéros abattus par les braconniers en 2007, 83 en 2008, 122 en 2009, 448 en 2011, plus de 600 en 2012…
Rhinocéros en captivité, photo prise il y a environ 20 ans.
Le vendredi soir, nous campons à Maun, dans l’Audi camp, qui possède de vraies toilettes et de vraies douches. Nous recevons d’ailleurs la visite de représentantes de Bushways Safaris, une Sud-africaine et une américaine qui découvre l’Afrique. J’essaie de joindre ma femme car je ne pourrai sans doute pas le faire avant une semaine. Demain, nous partons en effet pour la réserve de Moremi.
Lire la seconde partie du carnet de voyage au Botswana et en Zambie, “L’Est du delta – La réserve de Moremi”
Read the second part of my Botswana & Zambia’s journey diary “L’Est du delta – La réserve de Moremi
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